dimanche 18 décembre 2016

Binche, mémoire des rues: le rempart de Bonsecours


LE REMPART DE BON-SECOURS ET L’ AMENAGEMENT DE SES ALENTOURS

                                                                                                                                         Alain GRAUX

La partie Nord-Est de l’enceinte médiévale comprise entre la porte de la Sauvenière et la porte de Bruxelles (Neuve-porte) s’appelle le rempart de Bon-Secours. La portion de territoire longeant la muraille n’a pas été bâtie comme les autres faubourgs, les nombreux débordements de la rivière la Samme de ce côté de la ville y sont certainement pour quelque chose.

LES ETABLISSEMENTS INDUSTRIELS
Très peu d’industries s’établirent à cet endroit, si ce n’est au Faubourg de la Sauvenière, le long du Pavé de Charleroi, que nous n’étudierons pas ici. Nous relèverons néanmoins la savonnerie Schmidt [1] qui subit plusieurs inondations.
Une fabrique de Suif s’établit au milieu du XIXe s. Le suif est une graisse fondue des animaux, elle sert en tannerie et à la fabrication des chandelles.
Le plan Popp de Binche renseigne:
Section B, parcelle 904a bis: Fabrique de suif.
superficie 77a. 1 ca.
Elle appartient à Adrien Joseph Désiré Legrand, marchand à Binche. L'Almanach du commerce et de l'industrie de 1867, désigne Désiré Legrand comme cirier.
Le 1-10-1887, Léon Legrand demande l'autorisation de transférer dans une dépendance de sa maison sise rue Notre-Dame, une petite fonderie de suif à feu nu, sans travail du creton, avec appareil destiné à empêcher toute émanation, telle qu'elle existe actuellement rempart de Bon Secours. Cette maison est située rue Notre-Dame entre Armand Houssière et Hupin-Gallez, cadastrée B 253. La députation permanente du Hainaut l'autorise le 30-12-1887 [2].
D’autres petites industries s’établirent un peu plus loin sur le territoire de la commune de Battignies, une blanchisserie [3] et un moulin à vapeur [4]

L’HABITAT
Il n’existait dans ce faubourg que des habitations ouvrières, peu ou pas de maisons bourgeoises. Cet habitat ouvrier était immonde. A une Commission des logements ouvriers et une Commission médicale locale, furent confiée la tâche d’inspecter et d’informer le Conseil communal sur la situation hygiénique de la ville [5].
Le rapport du 14-3-1898 dit « En ce qui concerne le rempart de Bon-secours, il y a là un pâté de masures, sans cours ni lieux d’aisance, qui sont vraiment inassainissables et que l’hygiène communale commande de faire disparaître le plus tôt possible. Deux maisons seront fermées amiablement par le propriétaire, puis rachetées et démolies par la ville pour le dégagement de l’ancienne enceinte fortifiée. Il en reste quatre, fermées et à démolir.





 A l’issue de la rue Carlo Mahy, nous trouvons une impasse dite impasse Bouya, où s’échelonnent cinq masures branlantes sans issue ni cour sur le derrière, le terrain contigu de ce côté appartient à un autre propriétaire et sans amélioration possible. Elles sont desservies par une latrine unique, tombant en ruines. L’eau stagne, croupissante, dans l’impasse ».
Le rapport du 4-2-1898, signale : « Un cas de mort par maladie infectieuse, tout récent, accentue encore les conditions hygiéniques déplorables qui nous font désirer la disparition de cette impasse par la fermeture des masures qui y sont situées et qui ne sont guère assainissables ».
Ces maisons furent fermées par ordonnance du 7-8-1906.
Ce n’est qu à partir de 1900 que l’on commença réellement à bâtir dans ce quartier de la ville :



Propriétaire
Nbre.

8
1
Parcelle

1
1
Demande
Autorisation

Jules Delattre
1


03-08-1900
Louis DelhayeBoudart
8


19-12-1900
Jules Delattre
1

08-04-1907
23-04-1907
Nicolas Carlier-Lebrun
10

14-03-1890
22-08-1890
Léon Dereume
1

09-09-1903
02-10-1903
Léon Dereume
1

17-03-1903
22-03-1903
Joseph Dassonville
1

27-07-1907
02-08-1907
Emile Bailly-Boudart
1
C.148

16-05-1909
Jules Delattre
1

24-04-1910
24-04-1910
Palmyre Dutilleux
4


27-12-1910
Enoch et Elie Deliège
2
D.168y

27-04-1911
Charles Baudoux
1


05-03-1913
Jules Carlier-Hupin
6


05-03-1913
Désiré Delhaye-Babusiaux
1


12-12-1913
Jules Deprez-Rousseau
2


10-06-1914
Jules Pourtois-Fourmanois
1


10-06-1914
Léon Dereume
1


26-11-1914
Ursmer Godefroid dit Alexandre
1


26-11-1914
Gustave Thirion
1


29-03-1914
Louis Montreuil-Laigaux
1


17-11-1915
Hubert Hirsoux
1


17-07-1925
VOIRIE
Le 15-2-1890, la Ville projette de percer une rue venant de la rue des Pastures et suivant le tracé de la ruelle dite de Carlo Mahy. Cette ruelle suit le rempart de Bon-Secours et aboutit au sentier dit de Binche situé sur la commune de Battignies[6]
Elle commence les démarches pour exproprier une partie de la propriété de M. Deprez située à l’emplacement de l’ancienne savonnerie, un jugement daté du 20-4-1890 du tribunal de Charleroi lui en donne l’autorisation.
En 1896, le ministère des chemins de fer, des postes et télégraphes, fit construire un hôtel des postes avec façade sur l'avenue Wanderpepen et sur le rempart de Bon-Secours. Ce bâtiment fut construit sur les plans de l'architecte Janlet.
Le 6-2-1897, le conseil communal de Binche décide
"Considérant que le dégagement de l'hôtel des postes implique la création d'une rue longeant le bâtiment.
Considérant que cette nouvelle artère rend inutile la rue projetée sur l'emplacement de la ruelle de Carlo Mahy.
Décide d'abandonner le projet exproprier une partie de la maison de M. Deprez en vue de l'élargissement de la ruelle de Carlo Mahy [7].
Le 29-5-1897, le Conseil communal adopte le projet de l'architecte Charbonnelle pour l'alignement d'une rue partant du nouvel hôtel des postes passant par le quartier Carlo Mahy pour rejoindre la rue des Pastures [8]
Le 4-8-1897, le Conseil décide l'expropriation de la maison du boucher Nicolas Debrichy [9].
Le 21-4-1899 [10], le Conseil communal décide d'acquérir 9 ares de terrain appartenant à Augustin Dassonville, attenant au rempart de Bon Secours, vu le plan d'expropriation de diverses propriétés entourant le rempart et pour cause d'utilité publique rendue possible par l'arrêté royal du 14-6-1897.
Tout ce processus d’expropriation mit un certain temps afin qu’il se réalise, vers 1920, les abords de la poste sont pavés et un escalier est construit entre la nouvelle rue de Carlo Mahy et le dessus du rempart de Bon-Secours, mais la maison de Nicolas Debrichy n’est toujours pas expropriée comme le montre la carte postale ci-après.




Vers l952, le détournement de la rivière la Samme empêcha les continuelles inondations du quartier.

La société de tir à l’arc « Les Archers du château » y possède son Berceau. Les installations de ce groupement étaient d’abord situés place du Centenaire, se déplacèrent ensuite au cabaret Jules Delhalle, place de Battignies, et ensuite successivement chez Auguste Boudart, puis chez Paul François, rue du Moulin, pour s’établir définitivement sur un terrain appartenant à la ville, qui  longe le rempart et qui fut aménagé sous le mayorat de Charles Deliège en même temps qu’un square devenu de nos jours le square des « Scriveux binchous » par décision du Collège communal du 30 mars 1998.


LA RESTAURATION DES REMPARTS

Le 28-4-1994, le Conseil communal, sous la présidence de Armand Leroy a arrêté le contrat-programme de développement touristique qui prévoit la restauration des remparts. Lors d’une réunion d’information précédant la séance publique, l’architecte Moulin présenta les grandes lignes du projet, on note à propos du rempart de Bon-Secours que dans la tour des Arquebusiers de Saint-Laurent, un amphithéâtre sera aménagé. Pour les deux tours suivantes méconnues du grand public, les masses de béton qui les cachaient seront détruites pour faire apparaître les meurtrières. Les fondations du rempart seront laissées à nu pour laisser voir comment les fortifications furent bâties. Un plan d’eau sera creusé à la place du square actuel situé à proximité de la poste [11].

Une étude théorique préalable réalisée par Michel de Waha révéla qu’une des tours est antérieure au rempart proprement dit. Cette tour est pleine, il s’agissait d’un poste d’observation [12]

Les fouilles réalisées par la région wallonne à partir du 1er juin1995  sous la conduite de l’archéologue Didier Dehon et grâce aux subsides de « l’objectif 1 »  révèlent  que le rempart de Bon-Secours réalisé par la technique de construction de muraille sur arcs de décharge et où des restes importants de terrées intérieures médiévales permettant d’accéder au sommet de défense ont laissé des vestiges. La muraille était d’un type de défense actif à deux niveaux de défense et non de type passif comme on l’a souvent cru [13].
Une restauration importante s’en suivit réalisée par l’entreprise liégeoise « Réforme et Nizet ».


[1] A. GRAUX Les savonneries binchoises, dans bulletin S.A.A.M.B., mars 1995, pp. 8-9.
[2] A.V.B. 01-00-02-18

[3] A. GRAUX, Teintureries et blanchisseries binchoises, dans bulletin S.A.A.M.B janvier 2000, p.6-8

[4] A. GRAUX, Binche des métiers et des hommes (la meunerie) dans Les Cahiers Binchois, n° 16, 1998, pp. 36-37.
[5] E. DERBAIX, Les habitations ouvrières à Binche, Bruxelles, 1919.
[6] A.V.B. 01-00-01-21.
[7] A.V.B. 01-00-01-21.
[8] A.V.B. 01-00-01-21.
[9] A.V.B. 01-00-01-21.
[10] A.V.B. 01-00-01-21.
[11] S. BOUDART, Un rendez-vous historique pour la ville de Binche. Le conseil communal a voté la restauration des remparts (Coût : 260 milions) dans Le Peuple 28-4-1994, p. 11.
[12] C. BLAIVIE, Les remparts de Binche comme les pyramides d’Egypte. Huit « fouilleurs » à la recherche de nos ancêtres, dans Le peuple, 10-6-1995.
[13] D. DEHON, Des campagnes de fouilles archéologiques préalables à la restauration des remparts de la ville de Binche, dans El Mouchon d’Aunia, n° 4, 1999, p.3-5.

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