UNE
ARTISTE AU SERVICE D’UNE VILLE: SUZANNE PLETINCKX
Alain Graux.
S'il est une artiste dont Binche peut être
fier, c’est bien à Suzanne Plétinckx que doivent aller ses éloges, elle réalisa
de nombreuses œuvres qui mettent en évidence notre patrimoine. Nous allons le
découvrir par ces quelques pages:
L'escalier monumental
de l'hôte1 de ville de Binche
En 1948, pour terminer son cycle d'études en
décoration à l’Académie Royale de Mons, Suzanne Plétinckx dut fournir comme
sujet d'examen terminal, le projet d'un ensemble monumental. A savoir, la
décoration de.la Chambre économique de Mons ou la cage d'escalier de 1'hôte1 de
ville de Binche. La décision fut vite prise, c'est ce dernier projet qu'elle
préféra. Elle devait en exécuter le relevé, le projet d'ensemble et
l‘exécution.
Les fêtes de Binche de 1549 en fournirent le
prétexte. Après une étude très approfondie réalisée à fa Bibliothèque Royale
Albert Ier de Bruxelles et la révélation de ces fêtes par le livre de Calvete
Estrella, elle prit comme sujet dans les nombreux intermèdes dus à 1'ampleur
des réceptions "le tournoi" qui est un des épisodes les plus
représentatifs du caractère aristocratique et galant suscité par "L'Amadis
de Gaule", roman à succès du XVIe siècle.
C'est en mal 1948 qu'el1e commença à peindre un
panneau en toile dans les locaux de 1'atelier "Publidécor" au
"Lido" de Mons, aujourd’hui disparu. C'est grâce à l'exécution de ce
travail qu'elle reçut brillamment son diplôme de décorateur.
En juin 1948, Arthur Laublin, son professeur,
écrivit au bourgmestre de Binche, Charles Déliège, afin de faire 1'éloge du
travail réalisé et susceptible de l’intéresser. Ce dernier n'y donna pas suite
immédiatement, l’œuvre resta pendue au clou de la maison familiale. Une amie de
la famille, madame Marius Hendrickx, au courant de la question, intervint de
nouveau auprès du "mayeur" qui consentit alors à ce qu'on découvre la
toile au théâtre communal. Cette opération se déroula un jour de réunion du
Conseil communal. Les membres du Conseil furent convaincus de la beauté de
cette œuvre et l'acquirent.
Elle fut placée dans l'escalier principal de
l'hôtel de ville par les camarades du décorateur au cours d'une leçon pratique
d'académie. Arthur Laublin fit continuer son travail à l'artiste. Elle soumit
un second projet en octobre 1950.
Le Conseil communal demanda à examiner le
projet afin de prendre une décision.
En juillet 1952, 1e bourgmestre écrivit à
Suzanne Plétinckx: "Je me suis rendu à Mons où j'ai pu admirer le travail
que vous avez terminé. Le second panneau des fêtes de 1549 est magnifique. Je
vous félicite vivement, d’autant plus qu'il vous a permis d’obtenir à nouveau
une distinction... "
Le projet complet réalisé en plusieurs années
nécessita un an pour les projets en couleur, un an pour chaque panneau et un an
pour la frise.
Le peintre requit l'aide de Samuel Glotz, il
trouva les textes adéquats. Deux bas reliefs en stuc complétèrent l'ensemble.
Ils furent modelés par Jean-Pierre Joris, de Mons. A l'heure actuelle ces
peintures font toujours l'admiration du visiteur.
Les fresques et la
décoration du foyer du théâtre communal,
C'est grâce à Suzanne Plétinckx que Binche eut
la chance de posséder dans son patrimoine monumental des fresques d'une
admirable composition.
Une des fresques du foyer du théâtre
Suite à la décoration murale de 1a
"Société belge de l'Aluminium français" qu'el1e réalisa, rue Léopold
à Bruxelles, en 1954, elle voulut s'essayer à l'art difficile de la fresque.
Elle présenta au bourgmestre de Binche un
projet, afin de décorer 1'école communale de la rue Saint-Paul. Mais l'avenir
incertain de cette institution fit qu'i1 demanda plutôt qu'on décore la
"petite salle" du Waux-Hall. I1 donna carte blanche à l'artiste pour
réaliser ce travail.
Tout était à faire, el1e dut décaper les murs.
On fit des analyses des murs afin de s'assurer de leur teneur en salpêtre.
C'est de 1955 à 1959 qu'elle plaça son travail sous le signe des muses. Elle
choisit comme thèmes des quatre fresques à réaliser: la danse, la musique, la
poésie et les beaux-arts.
Travaillant d'arrache-pied de l'aube au soir
tombant, car la fresque est une discipline sévère, e1le doit peindre vite et
bien du premier jet. Modifications, retouches, ajoutes sont impossibles, elle
doit faire ses couleurs à l'avance, numéroter ses échantillons, peindre avec
des couleurs détrempées à 1'eau sur le mur fraichement enduit car bientôt ses couleurs changeront de ton,
une fois séchées.
L'artiste peint avec frénésie, ne se laissant
pas un instant de repos. Parfois l'angoisse d'un "travail mal fait"
la surprend et elle détruit ce qu'el1e a effectué la veille. Elle ne négligea
aucun détail pour décorer cette belle pièce, boiseries, tentures, éclairage,
tout fut étudié pour que règne une chaleureuse ambiance dans celte salle à
vocation culturelle.
A l'heure actue1le, 1e théâtre communal fait
1'objet d'un profond remaniement, nous espérons que le foyer du théâtre sera
remis à l'honneur, car il est un des fleurons artistique de notre ville.
Les cartes didactiques
de la sa1le du Conseil de l'hôtel de ville de Binche.
En 1960, Le bourgmestre Charles Dé1ièqe et
l'archiviste de la Ville, Samuel Glotz, eurent l'idée de faire une série de
cartes didactiques pouvant illustrer les différentes phases de l'expansion de
la ville de Binche. Ces cartes seraient réalisées en papier toilé. L'argument
initial évolua et 1'on décida qu'une série de dix cartes montrant 1'évolution
de la cité, l'apport de chaque bourgmestre et l'état de la ville en 1960 serait
façonné. On rejeta l'idée des cartes en papier, matériaux périssable, pour leur
préférer des panneaux fixes qui serviraient au musée communal.
Une équipe fut formée de Samuel Glotz, pour la
recherche historique, de Suzanne P1étinckx et son époux, le peintre Victor
Lacombfet, assumant tous deux les dessins et la peinture.
Quatre panneaux laqués furent exécutés. Ils
illustrent Binche aux XIIe et XIIIe siècles; la vie économique de Binche sous
1'ancien Régime; Binche sous la Révolution et l 'Empire.
Le musée communal étant toujours à 1'état de
projet, on déposa les panneaux dans la salle du Conseil de l’hôtel de ville. On
imagine mal à 1'heure actuelle cette salle sans ces panneaux qui en font
l‘ornement.
Un des panneaux de la salle du conseil
L’exposition « Le
carnaval traditionnel en Wallonie ».
Après une année d'enseignement à l'Académie des
Beaux-arts de Binche, en 1960-1961, fruit de l'entente avec 1'archiviste de la
Ville, Samuel Glotz, responsable officiel du projet, l'artiste s'attacha à la
conception, 1'exécution de la décoration et de la publicité de l'exposition
"Le carnaval traditionnel en Wallonie". Celle-ci était organisée dans
le cadre de la "Conférence européenne du folklore".
La ville n'ayant qu'un budget limité et peu de
matériel, il fallut faire appel à toutes les ressources de l'imagination pour réaliser
cette énorme organisation dans 1'espace du théâtre communal. Ce fut établi au
prix d'un travail acharné, mais aussi d'une grande satisfaction. On connait le
succès et le retentissement de cette exposition qui ouvrit ses portes en
septembre 1962, et qui permit de jeter 1es bases du matériel exposé au Musée
International du Carnaval et du Masque.
La restauration de la
salle des mariages et du bureau du bourgmestre, de l'hôtel de ville de Binche.
Suite à une remise à neuf des murs de la salle
des mariages, par le peintre communal, Charles Leduc, celui-ci jugea l'affaire
trop hasardeuse, car elle avait besoin d'une trop grande "retape".
C'était là un travail de spécialiste, d'autant plus que le bâtiment était
classé.
Charles Déliège fit de nouveau appel à la
décoratrice, l'œuvre à entreprendre était vaste car tout devait être refait en
profondeur. Un long travail préparatoire fut suivi d'une décoration qui devait
être recomposée soigneusement. Les murs peints au tampon sont constellés d'un
semi du monogramme de la reine Marie de Hongrie. La cheminée présente les
grandes armes de l'empereur Charles-Quint. L'ensemble forme un tout
particulièrement réussi.
Le bureau du bourgmestre fut lui aussi
restauré, mais une difficulté supplémentaire se présenta: 1e manteau de
cheminée était peint d'un arbre portant sur ses branches des phylactères avec
le nom des bourgmestres et des échevins en fonction depuis La Révolution jusque
Charles Derbaix en 1921.
Trois propositions furent élaborées par
1'artiste:
- La remise en état sans modifications.
- Un double arbre, 1'un à gauche représentant
le passé et l'autre à droite présentant les bourgmestres depuis la dernière
guerre, laissant des blancs pour les bourgmestres de l'avenir.
- Un arbre paraissant dans 1'état antérieur,
mais portant les noms des Collèges échevinaux jusqu'à 1'époque de la réfection.
C'est 1e troisième projet qui fut réalisé après
maintes discussions au sein de l'administration communale.
Ces salles présentent ainsi une décoration
originale qui rehausse l’éclat de l’institution communale.
Le chemin de croix de
la collégiale Saint-Ursmer
C’est la dernière œuvre de l’artiste dont peut
s’enorgueillir la ville de Binche
Plaidoyer pour la
restauration de l'œuvre de Suzanne Plétinckx
L'œuvre de Suzanne P1étinckx a été quelque peu
négligée et nécessite une restauration
La salle du Waux-hall abrita maintes
manifestations où le respect de 1'œuvre d'art ne prévalut pas toujours. Les
fresques s'altérèrent par des chaises appuyées contre elles et qui laissèrent
des marques, des taches de graisse, des traces de clous ou de punaises, en
altérèrent la beauté et en ont fait éclater 1e mortier de base.
Déjà en 1986, leur auteur jeta un cri d'alarme
auprès des autorités communales qui l'assurèrent qu'on y remédierait.
Les cartes didactiques de la salle du Conseil
nécessitent elles aussi une restauration car 1a destruction les guette. Les
trop grandes variations de température dans cette pièce, font que le bois,
matière vivante, fait craquer la 1aque. Si cette mission n'est pas impossible,
elle devient urgente.
L'escalier de l'hôte1 de ville nécessiterait un
nettoyage à effectuer par des spécialistes afin que 1es peintures reprennent
leur état initial.
En guise de conclusion
Les Binchois ont gardé du mayorat de Charles
Déliège une image très positive. Il était entouré d'une équipe de collaborateurs
efficaces. Suzanne Plétinckx a su donner un certain panache à toutes les réalisations
effectuées sous son mandat.
Cet héritage imposant est à défendre, c'est l'objet
du présent article.
L’artiste a toujours été fidèle à sa ligne de
conduite qui est de mettre en valeur le patrimoine monumental de notre ville et
elle y a réussi pleinement.
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