LA VISITE A BINCHE DE LA GOUVERNANTE
DES PAYS-BAS, MARIE-ELISABETH
Alain GRAUX
Marie-Elisabeth d’Autriche (1), sœur de l’empereur Charles VI, succéda au
prince Eugène de Savoie au gouvernement des Pays-Bas par lettres patentes du
5-12-1724.
Elle fit restaurer le
château de Mariemont en 1728, elle y fit de nombreux séjours (2).
Le Magistrat de Binche apprend qu’elle y est arrivée le
7-9-1734 vers sept heures du soir et conclut de lui députer les jurés Dequesne et Dupond afin de la saluer.
Les deux représentants de la
ville arrivèrent le huit, de même que le gouverneur de la ville, le comte de
Clerfayt (3). La
gouvernante les informa qu’elle souhaitait visiter, le dix courant à sept
heures du matin, les reliques de la collégiale Saint-Ursmer.
Revenus à Binche, ils
convoquèrent le Conseil de la ville afin d’organiser solennellement son
arrivée :
« Pourquoy l’on demande
ce qu’il y a lieu de faire pour luy faire les honneurs que cette ville peut faire.
Conclu que les bourgeois et
autres jeunes homes devront prendre les armes pour marcher en doubles hayes à
son entrée et à sa sortie, que chaque bourgeois devra faire quelques feux
devant chez soy et un devant l’hôtel de ville, une piramide de seize tonneaux
teignés. Que la face de l’hôtel de ville soit aussi illuminée de six flambeaux
de cire blanche. Que des cambes (3) seront tirées et présenter les vins d’honneurs et autres.. »
Le 9-9-1734, les jurés
ordonnèrent que les compagnies d’hommes et de jeunes hommes qui feront la
parades seraient récompensés chacun d’un pot de bière. Les cabaretiers Ursmer
Leghait, Joseph Froignu, Joseph Michel, Jean-Baptiste Dessars, Jean Lefebvre et
François Tison, livreront chacun 50 pots pour 50 hommes. Joseph Brehy livrera 8
pots d’ « Hougarde » pour huit sergents ; Jean Lefebvre
donnera trois pots de bière aux
tambours ; Joseph Froignu, 8 pots de bière aux grenadiers qui tireront des
salves en l’honneur du comte de Clerfayt et André Davesne, 6 pots pour les
sergents des bois qui feront honneur à S.A.S.
Le registre des audiences de la
ville relate l’arrivée de l’archiduchesse en nos murs « Se représente
que S.A.S. l’archiduchesse, gouvernante des Pays-Bas autrichiens était venue
cejourd’huy de Marimont à neuf heures du matin en cette ville. On a faites des
illuminations devant la porte de chaque bourgois et un feu de joye devant la
maison de ville composé d’un arbre et vingt et un tonneaux d’huile et terques,
des croisures à travers les rues et du Marché et tous les bois des arbres
plantés garnies de feuilliages en forme de laurier et touttes les cloches
sonnantes et carillons.
Il y avait deux compagnies de
bourgois, l’une d’hommes et l’autre des jeunesses (4) qui faisoient ensemble le nombre de six cent
hommes qui étoient rangés en deux lignes depuis la porte de Bruxelles par
laquelle elle est entrée jusqu’à l’église paroissiale, avec deux aubois, un
basson et deux corps de chasse à la tête de la jeunesse.
Il y avoit à la dite porte de
Bruxelles, en dehors, une pièce de casée (5) rouge avec des chronographes (6) à la louange de sa dite Altesse Sérénissime
et de la Maison d’Autriche.
Il y avoit un portique magnifique
à l’entrée de la rue Notre-Dame avec des chronographes y attachées, comme aussy
la fasade de la muraille de la maison de ville.
Messieurs du Magistrat, greffier
et massard (7) sont
allés en corps à ladite porte de Bruxelles avec la verge de justice en mains,
pour la recevoir.
En estant, M. le comte de
clairfayt, gouverneur et prévôt de cette ville et dépendances,
lieutenant-colonel au service de S.M. impériale et catholique, se mit à leur
tête et fit compliment à sa dite Altesse et luy présenta messieurs du Magistrat
qui luy firent aussy leur compliment par leur premier, en présentant les vins
d’honneurs avec les deux clefs dorées d’une feuille d’or, liées avec un ruban
aurore et noire dans un plat d’argent, pour témoignage de leur très sincère et
respectueuse fidélité et obéissance.
Ensuite l’on conduit jusqu’à la
porte de l’église paroissiale dans son carosse où le chapitre et le clergé l’at
reçeu et la conduisit dans la chapelle des S .S. Patrons où reposoient les
reliques à découvertes et où l’on célébra une messe basse à cause que le chœur
de l’église étoit en désordre, d’autant qu’on y travailloit à la massonnerie et couverture.
Pendant la messe on y a
chanté un motté en musique et le te-Deum à l’offertoire, suivi d’un autre motté
sur le jubé.
Les campes et les quelques petits
canons et fauconneaux qu’on avoit empruntés étant placés au château, on fit
trois sales (8),
suivis de la mousquerie (9) de
bourgeois. On fit encore quelques salles après sa sortie, n’ayant souhaitez
qu’on tireroit avant son entrée et pendant qu’elle étoit en ville, dans son
carosse après la messe.
Messieurs du Magistrat, à la
sortie de la messe, lui firent un compliment de remerciement des honneurs
qu’elle avoit bien voulu leur faire et leur témoigna son entière satisfaction
de sa reception et l’on se reconduisit en corps jusqu’au pont de Mélion,
prenant sa route sur Mons. De là ils s’en sont retournés sur l’hôtel de ville
aussy en corps. » (10).
En gestionnaires avisés les jurés
firent immédiatement leurs comptes :
« Messieurs du Magistrat
ont ordonné aux compagnies des hommes de la jeunesse qui ont fait parade pour
l’arrivée cejourd’huy de S.A.S. l’archiduchesse, gouvernante des Pays-Bas, ce
qui suit, scavoir 400 hommes bourgeois pour 40 hommes d’autres distingués, pour
150 de la jeunesse.
Joseph Brehy délibvrera 40 lots
d’ « Hougarde » pour 40 homes distingués qui ont porté les armes
à l’entrée de S.A.S .
Charles Motte délibvrera 50 lots
de bierre à 50 homes.
Anthoine Leghait délibvrera 50
lots de bierre à 50 homes.
Jacques Deprez délibvrera 50 lots
de bierre à 50 homes.
Philippe Buisseret délibvrera 50
lots de bierre à 50 homes.
Joseph-Michel Debeuisseret
délibvrera 4 lots de bierre à 00 homes comprins 4 tambours.
André Davesne délibvrera 50 lots
de bierre à 50 homes.
Ursmer Leghait délibvrera 50 lots
de bierre à 50 homes.
Charles Motte délibvrera 7 lots
de bierre pour les canoniers.
Maissette délibvrera 50 lots de
bierre à 50 homes.
Frougnu délibvrera 102 lots de
bierre à 100 homes de la jeunesse, comprins deux sergents. Luy délibvrera 6
lots de bierre aux ouvriers du portique
Jean-Charles Baudoux délibvrera
54 lots de bierre à 54 homes de jeunesse, comprins 4 tambours.
Joseph Brehy délibvrera 7 pots
d’Hougarde pour 8 sergeans d’homes pour deux jours.
André Ducenne délibvrera 11pots
de bierre pour le carillonneur et sonneurs.
Le 18-9-1734, le Sieur Dequesne a
été député par le Magistrat « dimanche dernier pour aller à Bruxelles
porter à son excellence le comte d’Aracque les chronographes qui avoient été
attachés à la porte de cette (ville) et ailleurs le jour que S.A. a fait son
entrée le dix du courant, à l’honneur de S.A. et de l’illustre Maison
d’Autriche ».
D’autant que sa ditte excellence
avoit déclaré à M. le comte de Clairfayt avant son départ de Mons, que sa ditte
Altesse souhaitoit les avoir.
Le Sr. Dequesne est parti mardy
dernier pour accomplir sa commission pour Bruxelles et a delibvré les
chronographes à son excellence qui lui témoigna le plaisir de S.A.S. » (11).
Curieusement il est à
noter que T. Lejeune ne signale la visite de la gouvernante que le 22 août 1739
(12) et que E. Dony
décrit la visite de Mons le 8-9-1734 (13).
On ne saura jamais si la
« Hougarde » était aussi bonne que notre « Binchoise »,
mais on remarquera que les Binchois d’alors ne regardaient pas à un verre pour célébrer dignement la représentante de
notre souverain.
Notes
(1)
Marie Elisabeth d’Autriche, née à
Linz le 13-12-1680, décédée à Mariemont 26-8-1741. Elle était la fille de
l’empereur Léopold 1er et de sa troisième femme Eléonore de
Neubourg.
(2)
A ce sujet, voir : Charles
de Lorraine à Mariemont. Le domaine royal de Mariemont au temps des gouverneurs
autrichiens, Mariemont, 1987, pp.23 à 37.
(3)
Sébastien-Nicolas de Croix, comte
de Clerfayt, seigneur de Bruille, gouverneur de Binche, ° Mons 27-4-1693, †
Waudrez (Bruille) 3-11-1738, x Mons 6-6-1728, Marie-Anne Le Duc.
(4)
Sur les compagnies de la
jeunesse, voir : A. GRAUX, Les marches de l’ancien Régime, dans bulletin
S.A.A.M.B. octobre 2001, pp. 9-14.
(5)
Etoffe.
(6)
Probablement des chronogrammes.
(7)
Au sujet du massard, voir :
A. GRAUX, A propos du massard, le règlement de 1766, dans bulletin
S .A.A.M.B. mars 1997, pp. 6-9
(8)
Salves.
(9)
Tirs de mousqueterie.
(10) Sur
la tenue des jurés, voir : GLOTZ S., L’élégance vestimentaire des jurés,
dans « Les Cahiers Binchois » n°1, 1978, pp.42-43.
(11) La
base de cet article est tirée des registres d’audiences du Magistrat,
réf : A.V.B. 00-00-01-30, à la date.
(12) LEJEUNE
T. Histoire de la ville de Binche, Mons 1883, p.190.
(13) DONY
E., Histoire du Hainaut de 1433 à nos jours, Charleroi 1925, p.279.
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