mardi 17 janvier 2017

Les gardes d'honneurs binchois sous l'Empire


LES GARDES D’HONNEUR BINCHOIS SOUS L’EMPIRE
                                                                                                                                         Alain GRAUX

Il est fréquent de rencontrer dans les textes du Régime impérial la mention « garde d’honneur » accolée au nom d’un notable local. Voici ce que recouvre cette distinction :
C’est par sénatus-consulte du 3 avril 1813 que l’empereur Napoléon Ier créa la garde d’honneur :
«  Palais de l’Elysée, le 3 avril 1813, Napoléon par la grâce de Dieu et par les constitutions Empereur de Français, Roi d’Italie, Protecteur de la confédération du Rhin, Médiateur de la confédération suisse, etc.
Sur le rapport de notre ministre de la guerre,
Notre conseil d’état entendu,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er La répartition des gardes d’honneur qui doivent composer les quatre régiments créés par le sénatus-consulte du trois de ce mois sera faite entre les départements de l’empire, conformément au tableau.
Art.2.  Ces quatre régiments seront habillés, équipés et armés à la hussarde.
Art.3.  Les chevaux seront de la taille des chevaux de hussards.
Art.4.  L’uniforme des quatre régiments sera le même : la pelisse sera vert foncé doublée de flanelle blanche, bordure des bords et du collet, boudin et tour de manches en peau noire, gants olives et tresses blanches.
Le fond du dolmen sera vert foncé, doublé de toile à la partie supérieure et de peau rouge à la partie inférieure, avec collet et parement écarlate, tresses du collet, des fausses poches et des parements de la même couleur que celle de la pelisse.
La culotte hongroise sera en drap rouge avec tresses blanches. Les boutons seront blancs.
La ceinture sera fond cramoisi avec garnitures blanches. Le schako rouge.
Art.5.  La solde de ces régiments sera payée conformément au tableau
Art.6.  il sera alloué aux dits régiments les masses de boulangerie, d’hôpital, de chauffage, d’entretien, de fourrage et de ferrage conformément au tarif.
Les masses d’habillement, de harnachement et de remonte ne seront point allouées pour la première année.
Sont exceptés dans cette dernière disposition :
Le trompette major
Les brigadiers trompettes
Les trompettes, les maîtres ouvriers et les maréchaux-ferrants.
Lesquels ne peuvent être considérés comme gardes d’honneur, seront assimilés pour les masses aux hommes de leur grade dans le régiment des chasseurs de la garde.
Art.7. Les officiers recevront lorsqu’ils seront en garnison l’indemnité du logement, sur le même pied que les officiers de la ligne.
Art.8. Le premier régiment se réunira à Versailles, le second à Metz, le troisième à Tours, le quatrième à Lyon.
Art.9.  Chaque régiment sera composé d’un état-major et de dix escadrons.
Art.10.Les colonels seront choisis parmi les généraux de division ou de brigade.
Les majors parmi les colonels
Les autres officiers auront le même rang que les officiers du grade correspondant dans la légion.
Art.11. Notre ministre de la guerre nous présentera pour la première organisation de chaque régiment :
Le général de brigade ou de division pour remplir les places de colonels
Un colonel pour remplir la place de major
Deux chefs d’escadrons
Un capitaine instructeur
Un quartier-maître pris parmi les auditeurs en notre conseil d’état qui ont été trésoriers de cohortes
Deux sous adjudants lieutenants en premier
Un chirurgien major
Quatre capitaines
Quatre lieutenants en premier
Huit lieutenants en second
Art.12. Les officiers devront être rendus avant le 1er mai au lieu désigné pour le rassemblement de leur régiment.
Art.13.  On procédera d’abord à l’organisation des deux premiers escadrons dans chaque régiment et on ne commencera l’organisation du troisième escadron que quand les deux premiers seront complets ; du quatrième après que le troisième sera complet en hommes et en chevaux et enfin du cinquième que quand les quatre premiers seront complets.
Art.14.  Seront admis à faire partie de ces régiments, pourvu qu’ils soient nés français et qu’ils aient l’âge de 19 à 30 ans inclusivement,, et qu’ils soient exempts des infirmités qui les rendraient impropres au service : les membres de la légion d’honneur et leurs fils.
Les membres de l’ordre impérial de la Réunion et leurs fils.
Les chevaliers, barons, comtes, ducs d’Empire et leurs fils.
Les membres des collèges électoraux de département et d’arrondissement et des conseils municipaux des bonnes villes, leurs fils et leurs neveux.
Les cinq cents les plus imposés des départements, les plus imposés des villes, leurs fils et leurs neveux.
Les individus employés dans les diverses régies et leurs fils
Les militaires qui ont servi comme officiers dans les armées étrangères et leurs fils.
Art.15. Immédiatement après la réception du présent décret, le préfet formera la liste  sur laquelle seront portés tous les habitants du département qui appartiennent à une des catégories désignées en l’article 14 et qui seront âgés de 19 à 30 ans, ne seront pas mariés et n’ont aucun état.
Art.16. Le préfet fera ouvrir en même temps à la préfecture et dans chaque mairie du département un registre où pourront se faire inscrire tous ceux qui voudront entrer dans les régiments de gardes d’honneur.
Les citoyens qui auraient les qualités voulues et qui voudraient se faire inscrire dans lesdits registres seront admis, quoiqu’ils ne soient pas dans une des catégories portées dans l’article 14.
 Art.17. Le préfet désignera du 20 avril au premier mai ceux qui devront être admis à faire partie desdits régiments.
Art.18.  Les anciens militaires seront ad mis jusqu’à l’âge de 45 ans inclusivement.
Art.19. Aussitôt que les gardes d’honneur du département auront été désignés le préfet adressera le contrôle nominatif au ministre de l’Intérieur, au ministre de la Guerre et au colonel du régiment.
Art.20. Les gardes d’honneur s’habilleront, s’équiperont, ne monteront à leurs frais.
Art.21  Si parmi les membres de la légion d’honneur ou leurs fils, il s’en trouvait qui n’eussent pas les facultés nécessaires pour s’habiller, se monter et s’équiper, ils pourront, sur le rapport qui en sera dressé par le préfet à notre grand chancelier de la légion d’honneur ; être habillés, équipés et montés aux frais de la dite légion.
Art.22. Les gardes d’honneur des départements des 27e, 28e  et 29e divisions militaires qui seront en activité  de service à l’armée, feront partie de ceux que lesdits départements doivent fournir et y seront en conséquence incorporés.
Art.23. Notre ministre de la Guerre donnera des ordres pour mettre en marche les détachements que chaque département devra fournir et les diriger sur le lieu où devra être formé le régiment auquel ils seront destinés.
Art.24. Nos ministre de la Guerre, de l’administration de la guerre, de l’Intérieur et du Trésor impérial, seront chargés chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera inséré au bulletin des lois.
                                                                       Signé, Napoléon
Par l’Empereur, le ministre secrétaire d’état, signé, le comte Daru"

                               Garde d'honneur à cheval

Suite à ce décret, le préfet du département de Jemappes, Laussat[1], envoya une circulaire dithyrambique aux maires de son ressort le 13 avril 1813 :
A Messieurs les maires,
La France entière, Messieurs les maires, est appelée à l’honneur de former, autour de S.M., une garde composée des enfants de l’élite de la nation, le vœu d’une semblable garde autour du trône a éclaté de toutes parts.
Là seront les fils des membres de la légion d’honneur, de l’ordre de la Réunion,, des grands propriétaires, des citoyens qui remplissent des places distinguées dans l’état, des militaires qui ont versé leur sang pour la patrie.
Mes Français même qui, par leur essor, ont servi comme officiers dans les armées étrangères ou qui ont été jetés par les effets de la révolution et qui, n’étant pas âgés de plus de 45 ans, voudraient se rallier au drapeau français, peuvent avec confiance, nous présenter leur demande ; si par la conduite qu’ils ont d’ailleurs tenue, ils en sont dignes, je solliciterai en leur faveur, non sans espoir de succès, qu’ils soient aujourd’hui employés dans les grades qu’ils avaient obtenus.
C’est le moment où d’anciennes familles militaires que les événements de la révolution avaient écartées du service et que le retour aux institutions monarchiques n’y ont pas encore ramenées peuvent reprendre avec faveur la carrière dans laquelle leurs ancêtres leur ont laissé de beaux exemples.
Vous tous qui êtes honorés depuis douze ans dans les fonctions publiques et vous tous qui avez attaché votre existence et votre fortune au nouvel ordre des choses, accourez par vos enfants à la défense du souverain qui vous en est le garant, et ajoutez à ce nouveau titre à ceux dont vous avez déjà à vous glorifier. Faites-le par intérêt bien entendu, faites-le encore d’avantage par un élan de reconnaissance et d’amour. Ne forcez point l’autorité à vous ôter le mérite du dévouement volontaire.
Ouvrez, Messieurs les maires, des registres et excitez vos administrés à s’empresser de venir se faire inscrire pour enter dans ces régiments de gardes d’honneur, où ils trouveront de gros avantages et une gloire assurée, si heureusement le département n’avait à offrir à S.M. que de pareils émules.
Mais indépendamment de cette espérance, formez au plus tôt vos listes, ne perdez pas un moment, l’obligation rigoureuse vous est imposée de les avoir achevées et remises au sous-préfet de votre arrondissement  dans les cinq jours. Je me rendrai auprès de lui, vous y serez convoqués, nous discuterons et nous examinerons votre travail. La liste partielle de votre commune, dont la rédaction vous est ordonnée doit être divisée en huit sections suivant les différents groupes d’appelés énoncés…Occupez-vous incontinent et sans relâche, MM les maires, de ce travail. N’attendez pas l’avis de M. le sous-préfet, si cette circulaire vous parvient auparavant, mais remettez-lui au plus tôt vos listes et rendez-les aussi complètes et aussi exactes qu’il soit possible,
J’ai l’honneur de vous saluer affectueusement,
Signé : Laussat »

Le maire de Binche, Nicolas Coquiart, fit établir aussitôt une liste datée du 19 mai 1813 :
LISTE GÉNÉRALE POUR LES GARDES D’HONNEUR :
1ère section, membres de la légion d’honneur et leurs fils :
SEBILLE François, né le 1er décembre 1776.
Observation : il a servi en dernier lieu dans les Chasseurs de la garde impériale avec le grade de maréchal de logis. Son congé annonce qu’il a été réformé pour maladie de poitrine. Il jouit de la solde de retraite et est actuellement employé à cheval dans les droits réunis.

2e section, membres de l’ordre impérial de la réunion :
Néant

3e section, chevaliers, barons, comtes, ducs et leurs fils :
Néant

4e section, membres des collèges  électoraux du département et d’arrondissement, leurs fils et leurs neveux :
Membres du collège électoral du département :
  1. COQUIART Nicolas, né le 11 octobre 1752, maire de Binche ayant deux filles.
  2. LECLERCQ Augustin, né le 3 juillet 1775, sans enfant, neveux en bas âge.
  3. COUPEZ Louis-H-J., receveur particulier.
Membres du collège électoral d’arrondissement :
  1. BLAIRON Charles, veuf, six enfants en bas âge.
  2. BOURSAIN Antoine, né le 16 juillet 1765, trois enfants en bas âge
  3. CABRESPINNE Jean-Pierre, né le 1er septembre 1738, veuf, adjoint au maire
  4. CHARLIER Jean-Baptiste, trois filles
  5. COUTOIS Paul-Joseph, une fille
  6. DEBISEAU Maximilien, né le 13 avril 1761, cinq enfants en bas âge, adjoint au maire.
  7. DEROME Emmanuel, né le 14 novembre 1766, une fille
  8. FONTAINE Adrien, né le 21 février 1758, cinq enfants, dont quatre fils, un licencié en droit, un étudiant en philosophie, deux adolescents.
  9. DESTASSART François, trois fils en bas âge
  10. FRONGNU Ursmer, né le 22 mai 1762, trois filles
  11. GOBART Emmanuel, né le 16 août 1767, célibataire
  12. HONOREZ Fidel, né le 3 janvier 1766, célibataire
  13. GAILLEZ Adrien-Charles, né le 10 octobre 1776
  14. LEGHAIT Alexandre, une fille en bas âge
  15. LEROY Albert
  16.  PRÉVOST Louis-Charles, sans enfant  
  17. JACQUES Philippe, sans enfant
  18. TULOT Constant, sans enfant
  19. CRUPPE Charles, deux fils de 14 et 17 ans, une fille
5e section, membres des conseils généraux
Néant

6e section, les plus imposés, c.-à-d. les grands propriétaires :
Néant

7e section, les fonctionnaires de diverses régies
Néant

8e section, 1ère classe, militaires qui ont servi dans les armées françaises et leurs fils
  1. GAILLARD Alexandre, né le 1er juin 1774, maréchal des logis au 20e régiment des Dragons. Observation ; après avoir servi pendant 21 ans dans les armées françaises avec valeur, il a obtenu son congé et le solde de retraite étant déjà décoré de la croix de la Légion d’honneur. Il est marié et a son domicile actuel à Hailly, département de la Somme.
  2. GAILLARD Victorien, né le 23 février 1791, il a pour père Gaillard Constantin, très honnête citoyen de cette ville, il est le neveu du Sr Gaillard Alexandre, membre de la Légion d’honneur. Il a encore pour oncle, Gaillard Stanislas, capitaine en second dans le 5e régiment des Chasseurs à pieds, actuellement mort. Il a un troisième oncle au même service dans un régiment de hussards. Il a une excellente tenue, un physique agréable, une taille d’1m 90cm, parfaitement instruit.
BIBLIOGRAPHIE
-Pasinomie, collection complète des lois, décrets, arrêtés et règlements généraux qui peuvent être invoqués en Belgique - 1ère série, 1788-1814, Lois françaises, t.16.
- A.E.M. Archives locales, P.1156

[1] Pierre Clément Laussat est né à Pau le 23 novembre 1756, issu de la noblesse béarnaise, le baron Laussat était receveur général des Finances à Pau en 1789. En l'an 1797, il est élu comme représentant du département des Basses-Pyrénées au Conseil des Anciens. Il soutient le Coup d'État du 18 brumaire, devient membre du Tribunat puis préfet colonial de Louisiane où il arrive le 26 mars 1803. Il organisera la cession de ce territoire aux Etats-Unis en décembre 1803. Il devient ensuite préfet de la Martinique où il est fait prisonnier par les Anglais lors de la chute de l'île en 1809. Emmené en Angleterre, il est libéré grâce à un échange de prisonniers dès la fin de cette même année et devient en 1810 préfet maritime d'Anvers. Par décret du 8 février 1812, et nommé le 9 mars 1812, il devient préfet du département de Jemappes l reste à Mons jusqu'en février 1814.

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