UNE ACTIVITE
ECONOMIQUE DE BATTIGNIES : LE CHAUFOURNAGE
Alain GRAUX
obtenue
à partir de la calcination de roches calcaires plus ou moins pures, la chaux
est utilisée dans la composition des mortiers comme dans celle des enduits et
stucs.
Binche connut dès sa création un
développement de l’activité des chaufourniers
Les masses énormes de chaux
nécessaires à l’édification des remparts de la ville ou des bâtiments tel que
le château comtal ou le moustier Sainte-Marie sont de fabrication locales. Les
comptes rendus par les receveurs du Domaine de Binche témoignent des nombreux
« chaufours » qui servirent à édifier
les bâtiments publics et privés de la ville, les chaufourniers leur
devaient une redevance :
« du droict qui se prend et livre sur chacun caulfour que l’on allume à
Binch et leanthour de laditte ville qui est de vingt solz blancs par an chacune
année… »[1].
En 1723 le compte du Domaine
signale que les chaufours de la ville ont été ruinés par les guerres et ne
travaillent plus[2].
L’extraction de la marne et son
exploitation se faisait principalement dans le village de Battignies situé à
proximité des murs de la ville de Binche.
Le village est essentiellement de
type rural, néanmoins la nature du sol étant fort crayeuse et sablonneuse à
certains endroits on exploita très tôt des fours à chaux.
Ceux-ci se situaient
principalement à proximité de la rue de Péronnes (rue de la Princesse) et de la
Chaussée Brunehault, et de l’ancien chemin du Roeulx (rue du Cœur Dollent)
Les Binchois appellent ces
endroits « les « Caufours » ou encore «Au chaux crotté». On
extrayait la chaux de façon intensive à
partir du XIXe siècle.
Philippe Vandermaelen cite deux
fours à chaux vers 1830.
L’Almanach du Commerce et de
l’Industrie de 1861 à 1870, cite les chaufourniers A(drien). Delval ; Outlet
Ad(rien). et Aug(uste). Celui de 1873 ne cite plus André Delval[3].
Le recensement industriel de 1880
renseigne une exploitation qui outre l’exploitant, emploie trois apprentis.
Il s’y extrait 2.400 m³ pour un chiffre
d’affaire de 9.600 Fr.[4].
Le recensement du 31 décembre
1910 énonce que la seule exploitation et extraction de chaux existante emploie
10 ouvriers (Delsame).
On peut encore voir les immenses
falaises crayeuses formées dans ces carrières.
LISTE ONOMASTIQUE DES CHAUFOURNIERS[5]
BERTHEMELZ
Les comptes de 1509-1510
citent :
« Jehan de Berthemelz pour
l’allumaige de son caufour… »[6]
BLAIRON
Le four à chaux d’Alexandre Blairon était situé
rue de Péronnes. Il l’exploitait vers 1842[7].
Le 3 octobre 1851, Marie-Joseph Voituron, veuve
d’Alexandre Blairon, loue par bail de 9 ans, passé devant le notaire Fontaine,
à André Delval et Joseph Docquier, un terrain de 42a 74ca, sis à Battignies sur
lequel se trouve construit un four à chaux, tenant à la veuve Degueldre, à la
venderesse, au chemin (chaussée Brunehault) et à Adrien Outelet, au fermage de
150 Fr., l’an[8].
BOUGENEOT
De 1542 à 1545 on cite :
« De Jacquemart Bougeneot,
caufournier au lieu de ermelz du Trielz, pour l’allumaige de son caufour, doit
payer chacun an au terme Sainct-Rémy, XX solz tournois … »[9].
BUSQUIN
Gustave Outelet, employé à Charleroi, baille pour 3/6/9 ans à partir du 1er
août 1897, à Georges Busquin, demeurant rue de Mons à Binche « deux fours
à chaux sis à Battignies, avec le terrain tenant à Paris-Debeck, de Sebille, le
comte Dillon et Debagenieux, comprenant ensemble 70 ares.
Le preneur s’oblige « à exploiter convenablement et extraire la
marne jusqu’à la terre grise et de niveler le terrain pendant le même temps et
de le rendre à la fin du bail en bon état locatif, c'est-à-dire pouvant être
cultivé »
Ce bail est conclu moyennant le prix de 25 cts le m³ de chaux extrait[10].
La liste électorale de 1914 renseigne :
Joseph Busquin, chaufournier, demeurant 27, rue de l’abattoir, à Binche[11].
CAUDRON
Le four à chaux de Léopold Caudron est cité le
11 février 1875[12].
CIPLY/BOUGOIGNE
De 1495 à 1545, on cite Jehan Ciply :
« De
Jehan Bourgoigne, caufournier, au lieu de Jehan Ciply pour l’allumaige de son
caufour dessoub la Justice de Binch, dont l’on paye au terme Saint-Rémy XX solz
tournois… »[13]
DE BINS
De 1499 à 1505, on cite :
« Jehan
de Bins pour ottel et allumaige de son caufour lez la Noeve porte… »[14]
(Porte de Bruxelles à Battignies)
DELSAME
Un fait divers nous fait connaître un four à
chaux de Binche :
« Un
gamin de 8 ans, fils de M. Bury, demeurant rue de la Gendarmerie, faisait
monter un cerf-volant, tirant la ficelle, et comme toujours il avait les yeux
fixés sur le cerf-volant, ne songeant pas où il portait ses pas.
Tout à coup, le pauvre
petit arrivé près du four à chaux Delsame mit le pied dans le vide et tomba
d’une hauteur considérable. Quand on le releva il était gravement blessé, il
succomba le soir à ses blessures »[15]
Rodolphe Delsame[16]
dirigeait avant 1928 une entreprise de chaufournage dont le siège et les
bureaux se situaient rue de Péronnes (actuelle rue de la Princesse)
La chaux était vendue pour les aciéries, les
agriculteurs et les maçons[17].
L’expédition était faite par le chemin de fer sous wagons bâchés.
Pendant la guerre 1914-1918, Rodolphe Delsame
est le seul propriétaire de fours à chaux. Il en possède trois. L’un est en
état de marche et les deux autres sont à l’arrêt. Le four en marche peut
produire jusqu’à 50 tonnes de chaux par semaine. La chaux vive intéresse les
Allemands, elle permet la désinfectation des champs de bataille et est utilisée
pour les exhumations
Le 11 décembre 1928, Fernand Paris, ingénieur
demeurant à Binche, 22 place Eugène Derbaix, demande l’autorisation de
continuer l’exploitation des fours à
chaux Delsame, sis au Champ de la Justice, rue de Péronnes. L’autorisation est
accordée.
Le papier entête de la firme indique
« fours à chaux R. Delsame. Direction R. Delsame, 17 rue d’Hurtebise.
Administration E. Paris, successeur. »
DELVAL-DOCQUIER
André Delval, cabaretier à Binche et Joseph
Docquier, clerc de notaire exploitaient un four à chaux situé Chaussée Brunehault. Ils l’achetèrent à la
veuve Blairon.
Ils démolirent ce four à chaux et en
reconstruisirent un autre en 1857[18].
Leur exploitation est reprise au plan Popp sous
les cotes A.114a, terre ; A.114c, four à chaux.
DU TRILZ
De 1539 à 1543 on lit :
« Ermiel
du Trilz, caufournier, pour l’allumage de son caufour… » [19]
FRONGNU
En 1559-1560 on cite : « A Jehan le Frongnu caufournier, pour avoir
fourni 13 muids de chaulz pour refaire le pont Saint-Pol… ».
Il fournit aussi la chaux nécessaire à la
restauration du moulin Saint-Jacques[20]
En 1572-1573, il livre de la chaux pour les
réparations de la halle[21]
DU GARD
« …quant
est de Jehan du Gard, caufournier, pour l’alumaige de son caufour, doit XX sols
au terme Saint-Rémy… »[22]
HUBANT
Une enquête commodo-incommodo du 2 octobre 1861
nous apprend que l’ingénieur Hubant de Houdeng-Goegnies sollicita
l’établissement d’une carrière de calcaire et de deux fours à chaux dans la
parcelle cadastrée A. 25 au faubourg Saint-Jacques, à la limite de Waudrez.
Il y fut autorisé le 28 octobre 1861.
MAGRECHOY
Le compte de 1495 du Domaine de Binche signale
que le chaufour de Jehan Magrechoy est en ruine[23]
OUTELET
Au XIXe siècle, ce fut principalement la
famille Outelet qui travailla en chaufournage.
Elle possédait les fours à chaux de la rue de
Péronnes ainsi que celui se situant près de la rue du Moulin Blanc[24].
Jean-Baptiste Outelet est le premier marchand
chaufournier de la lignée que l’on rencontre à Battignies. Il quatre enfants de
son épouse Marie-Joseph Lecat[25].il
possédait également un atelier de tailleur de pierre à Binche cadastré B.669h,
de 80 ca.
Adrien Outelet[26],
est cité chaufournier en 1845. Sur le plan Popp, vers 1860, sa veuve et ses
enfants, Augustin, Adolphe et François
et Henriette, possédaient par indivis le four à chaux cadastré A.119bis et les
terres environnantes.
Augustin Outelet [27]
cultivateur et fabricant de chaux, demeurant à la ferme du Cœur Dollent,
possédait un four à chaux cadastré A.151b, faisant 2a 30ca (Plan Popp)
Thomas et Adolphe Outelet,
fabricants de chaux à Battignies, héritiers d’Adrien Outelet leur père, et
François Lefrancq, marbrier à Binche créent (verbalement) une société dont
l’objet est la vente de chaux, de pierres et de marbres. Par acte passé devant
le notaire Fontaine, le 4 janvier 1871, ils dissolvent cette société[28].
Le 7 décembre 1873,
Thérèse-Maximilienne Brichot[29],
veuve Adolphe Outelet, est citée marchande de chaux à Battignies[30].
Le 8-12-1874, eut lieu une
location publique à la requête de Gustave, Julia et Adolphe-François Outelet,
enfants mineurs d’Adolphe-Virgile Outelet et Thérèse Brichot, décédés, d’une
maison récemment reconstruite, avec grange, écuries, étables, jardin, four à
chaux et dépendances, faisant 1ha 7a 44ca, tenant à Paris, lieu-dit Champ de la
Justice, formant la moitié d’une pièce cadastrée A.155a.
Elle fut adjugée au fermage de
3000 Fr. à Auguste Chevalier-Deneufbourg, négociant, et Gustave Labrique,
menuisiers, tous deux de Binche[31].
Le 11 février 1875, à la requête
des mêmes, on vend une terre avec four à chaux, sise à Battignies, cadastrée
A.129, tenant à la ruelle du Moulin Blanc, et au four à chaux Léopold Caudron.
Le bien est acquis le 14 avril 1869, pour 6000 Fr. par Alexandre Outelet et
Rose-Caroline Brichot, son épouse, négociants en chaux à Binche.
Ils vendirent en outre une autre
terre, qui elle, fut acquise par François-Augustin Outelet et Joséphine
Plétinckx, son épouse, négociants en chaux à Battignies[32].
En 1877, on trouve une
association entre François Outelet-Plétinckx et Adolphe Outelet, fabricant de
chaux à Harmignies[33].
Vers 1880, la seule entreprise
travaillant encore la chaux appartient à la famille Outelet, soit qu’elle y
travaille elle-même ou la passe en location.
Le recensement de cette année cite 1 chaufour, deux
exploitants et trois ouvriers, produisant 2.400 m³ de chaux pour un
chiffre d’affaire de 9.600 Fr.
[3] TARLIER H. Almanach
du Commerce et de l’Industrie, Bruxelles 1861, p.71 ; 1868, p.74,
1870, p.86 ; 1873, p.87.
[4] Recensement du Commerce et de l’Industrie, Bruxelles du
31-12-1910, Bruxelles 1910, vol 11, p.763
[8] A.É.M.
Enregistrement, A .C.P. 105.
[26] Outelet Adrien, ° Haine-Saint-Pierre 20-12-1796, †
Battignies 23-8-1855, x Battignies 29-11-1827, Paris Marie-Anne, ° Morlanwelz
3-9-1798, † Battignies 15-3-1870.
[27] Outelet Augustin-Jean-Baptiste, ° Battignies
17-10-1809, x Leval Trahegnies 30-3-1842, Dubois Lucie, ° Leval 19-11-1814
[29] Brichot Marie-Thérèse-Maximilienne, ° Binche 5-4-1838, † Battignies 21-10-1874, x
Outelet Adolphe-Virgile, ° Battignies 15-11-1834
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