QUAND LE TRIBUNAL DE BINCHE PRENAIT LE PAS SUR CELUI DE CHARLEROI
Alain
GRAUX
Suite au traité d’Aix-la-Chapelle qui eut lieu
le 2 mai 1668, l’Espagne dut céder à Louis XIV une partie de ses conquêtes, de
telle sorte que la prévôté de Binche devint partie intégrante de la France.
L’article 3 du traité stipulait que « le roi
très chrétien retiendra, demeurera saisi et jouira effectivement de
toutes les places, forts et postes que ses armes ont occupés ou fortifiés
pendant la campagne de l’année passée, à savoir : de la forteresse de
Charleroy, des villes de Binch et Ath, des places de Douai, le fort de Scarpe
compris, Tournai, Audenarde, Lille, Armentières, Courtrai, Bergues et Furnes… »
La forteresse de Charleroi ne disposait d’aucun
tribunal, recourant à différentes juridictions lorsque le besoin s’en faisait
sentir.
Un arrêt du Conseil d’Etat, mit fin à cet état
de chose :
« Sur
ce qui a été présenté au Roy, estant en son Conseil, que n’y ayant jusqu’à
présent aucun juge establi en la place de Charleroy, pour terminer et juger les
procès et différens qui surviennent journellement entre les anciens habitants
et les personnes qui sont venus habituer et ont bâtis des maisons tant dans
l’enceinte de la forteresse, que dans les faubourgs, lesdits habitant ne trouvent
aucune justice, ne sachant où la demander, puisque Sa Majesté ne les a point
assujettis à aucune juridiction voisine, ce qui leur fait un grand préjudice,
même aux autres sujets de Sa Majesté leurs voisins et aux étrangers qui font
commerce et trafic avec lesdits habitans et afin qu’ils puissent trouver toute
la justice dont ils ont besoin pour la décision de leurs procès et différens et
qu’ils puissent aussi être assistez de gens capables d’instruire lesdits procès
et conduire leurs affaires.
SA MAJESTE estant en
son Conseil a ordonné et ordonne que les dits habitans et autres ses sujets
étrangers qui auront affaire ensemble, se pourvoiront à l’avenir en première
instance pardevant le juge royal et ordinaire, civil et criminel de la ville et
prévôté de Binche, pour toutes causes et différens qu’ils auront l’un contre
l’autre en matière civile, criminelle et réelle, pour être jugé par luy suivant
les coutumes locales, ainsy qu’il fait des sujets et habitans de ladite ville
et prévôté de Binche, Sa Majesté l’ayant à cet effet commis, établi et ordonné
juge de ladite place et faubourgs de Charleroy avec un pouvoir semblable à
celui qui a été donné pour la dite ville et prévôté de Binche, à la charge que
les jugements qui se feront par luy rendus ressortiront pour appel au Conseil
Souverain de Tournay ; ordonne Sa Sadite Majesté que le présent arrêt sera
lu, publié et registré audit Conseil Souverain, dans lesdites places de
Charleroy et Binche, pour être ensuite exécuté
selon sa forme et teneur, enjoint Sadite Majesté au gouverneur dudit
Charleroy, présent et à venir, de tenir la main à l’exécution du présent arrêt
et audits habitans de reconnoitre ledit juge de Binche pour tout ce que dessus
à peine de désobéissance
Fait au Conseil
d’Estat du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Saint Germain-en-Laye, le
vingt-sixième jour de septembre »
Signé Le Tellier et scellé du grand sceau de sa
Majesté en cire jaune
Lors du traité de Nimègue en 1679, quand la
place de Charleroi et la prévôté de Binche passèrent sous la domination
espagnole furent rendus à Charles II, la juridiction resta la même.
Ce ne fut qu’en 1693 par l’Edit politique du 5
février, que le droit de rendre justice fut attribué à Charleroi.
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