L’ECOLE DES
POUILLEUX
Fernand GRAUX
Lors d’une conversation entre « gens
biens » il a été fait allusion devant moi à cette école de pouilleux
autrement dit l’école communale de naguère, disparue à l’heure actuelle de la
liste des écoles de notre ville de Binche et, comme j’ai moi-même eu l’honneur
de la fréquenter, cette école, cela me fis l’effet d’un coup qui m’atteignis
droit au cœur, je ne pouvais laisser cette sorte d’affront, s’il en est, sans
défendre mon point de vue sur la question.
Certes, il y a eu, par la force des choses des
enfants de très basse condition dans nos écoles communales, rejetés par
d’autres écoles moins accueillantes, mais est-ce un crime d’être pauvre ?
En tous cas, nos portes leur étaient grandes ouvertes, écoles mises
gratuitement au service d’un peuple de trvailleurs trop longtemps tenu en
ignorance par une engeance qui ne voulait pas que le niveau intellectuel des
classes laborieuses soit trop élevé.
Ce temps là, heureusement est révolu et il me
suffit de voir le développement sans cesse
croissant que prend les écoles maternelles ou gardiennes communales pour que
l’on se rende compte de l’importance qu’attache une certaine population
défavorisée à l’extension de groupes scolaires
ou le libre choix confessionnel est accordé aux parents et cela sans
contraintes de toutes sortes.
C’est le dénigrement systématique et très bien
orchestré organisé par certaines écoles payantes qui a eu raison de l’esprit
indécis et si peu fort des parents à l’époque n’était-ce pas l’école du
diable ? Combien de fois ne l’ai-je entendu à mes pauvres petites oreilles
d’enfant ?
Je m’adresse ici à tous mes anciens compagnons
de l’école communale ; en fait, n’avons-nous pas eu une éducation
parfaite, enseignée dans cette école, n’avons-nous pas eu des maîtres
attentionnés au plus haut degré pour nous guider, jusque dans nos moindres
actes ou pensées sur un chemin qui nous menait aux plus grandes
aspirations ? Je n’en veux pour preuve que tous ces hommes ou femmes de
mon âge qui, à l’heure actuelle, ont taillé leur place jusque dans les plus
hautes sphères de notre société.
Je ne vous ferai pas l’injure de citer des
noms, ils vous viendront tout naturellement à l’esprit, et puis il y en a
trop ! d’enseignants, d’édiles
communaux, de commerçants, de gens occupant des places enviables et bien
rémunérées, sans parler de tous ces camarades ouvriers qualifiés, dirigeants
syndicaux ou autres, tous sortis de nos écoles publiques. Non ! Pas
d’accord pour ce vilain mot de pouilleux, c’est vraiment trop facile, trop
gratuit pour que l’on puisse l’admettre.
Il y a peu de temps j’ouvrais ma porte sur un
coup de sonnette un peu timide ; quelle ne fut pas ma surprise, me
trouvant nez à nez avec mon ancien instituteur de 6ème primaire ;
Monsieur Constant Collard se trouvait devant moi me demandant un renseignement,
à mes yeux il n’avait pas changé…toujours comme je l’avais connu il y a trente
cinq ans, je ne pus cacher mon émotion et le priai d’entrer, il n’en avait que
une minute disait-il. Une heure fut vite passée à ressasser nos souvenirs et ma
plus grande joie fut de lui montrer que, grâce à lui, à eux, tous ces maîtres
ou professeurs de l’école publique, ces petits garçons d’il y a trente ans,
sont devenus d’honorables pères de famille ayant élevé leurs enfants avec le
même esprit qui en font des hommes forts et conscients de leur avenir.
Je terminerai ici en demandant à tous les
anciens de l’école communale que s’ils le désirent, l’occasion leur est donnée
de se retrouver à nouveau et ce, en se rendant simplement au bal du printemps
donné au profit des écoles publiques et qui aura lieu au théâtre communal de
Binche le samedi 18 mai 1967
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