LE " CHEVAL D'OSIER "BINCHOIS SOUS
L'ANCIEN REGIME.
Alain GRAUX
Si
Ath, Mons, Nivelles ont conservé dans leur folklore local la représentation de
chevaux processionnels, il n'en est pas de même à Binche qui n'en retient le
souvenir qu'au travers des archives de la ville.
La première mention d'un" cheval d'osier"
date de 1598[1], mais l'usage en
est déjà bien établi puisque l'information concerne une réparation du
travestissement. Le Magistrat local assura l'entretien et le renouvellement du
cheval jupon. Grâce aux renseignements fragmentaires recueillis dans les
registres d'audiences des jurés de la ville et à leurs compléments corollaires
que sont les comptes des massards, on relève l'utilisation de ce "cheval
d'osier" jusqu'à la fin de l'ancien Régime.
Il apparaît lors de la procession (cité en 1619- 1624-
1627- 1634), mais on le dit aussi participant à l'octave de la procession
(1624). On le cite à la procession du carême (1765), aux solennités des
« Récollectes » (1623). Il se produit à la « carmesse »
(1673- 1674).
Les archives sont muettes sur le rôle qu’on lui attribue,
mais l'élément burlesque n’en est sûrement pas absent. En 1623, Jacques de
Saint-Paul produisit son « cheval d'osier » « pour servir de
récréation ».
Il se démène comme un beau diable si on en juge les
réparations que nécessite son usage en 1598-1624-1625-1630-1631-1713-1738.
En 1765 nous pouvons lire:
« Joseph Sauvenier fait devoir de représenter que
le cheval d'ozière est totalement brisé dont il ne peut plus se servir aux
processions de la caresme come de coutume. Chargé les maitres des ouvrages d'en
prendre inspection et de le réparer et faire ce qu'il conviendra.. ».
On peut, par analogie aux autres villes, lui attribuer une
fonction de police burlesque.
A Nivelles le "cheval Godet" met la foule
en gaieté et par les ruades qu'il distribue de gauche et de droite, il
refoule les curieux[2]. Il tient à la main une batte avec laquelle il
distribue aux passants des coups pour les tenir à distance du cortège.
Nivelles. A la suite des géants l’Argayon et l’Argayonne, et de
Leur fils le Lolô, le
cheval Godet, est vêtu d’une tunique militaire.
Dessin du XVIIIe
siècle, Nivelles, Musée d’Archéologie.
A Ath, on ne connaît pas la fonction des « chevaux
Diricq », mais un document montre qu'on les a vu faire la garde, armés
d'un tube[3]
Il semble qu'il s'apparente au cheval de Douai que le
peuple appelait « le sot des canonniers ».
Paul-Clovis Meurice le cite, participant à la procession,
précédant les différents corps militaires[4].
DESCRIPTION
Fourni par un manderlier (vannier), le bâti est
réalisé en osier.
Le compte du massard cite vers 1627:
« A Alexandre Bouly, mandrelier, pour avoir
faict ung cheval d'ozière pour la ville délivré à
Nicolas Lescaillier pour la procession de Binch, a esté payé...IX s.t. »[5].
Il est recouvert de toile. En 1597-1598 on paie à Martin
Logenghe : « ...comme pour thoille pour avoir racomodé le
cheval d'ozier… » [6]
De même au conseil du 17 août 1713, Jean Boutry « ...demande
ordonnance de 12 L .
….pour avoir racomodé le cheval d'ozières et fait un abis y compris la
fourniture… »[7].
Le
bas du tissu est probablement terminé par une frange:
« …à Jean Noyelle pour la toille qu'il a livret
pour acomoder le cheval d'ossier avec les frenche et clocette comprins la
façon.......XI L. X s ... »[8].
Le cheval est peint, mais est-ce pour la toile et/ou pour
l'armature ?
En 1618/19, Me. Lucq Gouzée « ...peinctre pour
avoir peinct les fenestres de la maison de ville, item peinct les festissures
de plomb mise sur le toict d'icelle maison de ville, item doret le fer de
l'espieu du capitaine, peinct le cheval d'ossier, item peinct les robbes des
furies et peinct et doret XVI verges
pour Messieurs, luy at esté
payez...XXVIII L. »[9].
En 1630 on le retrouve dans un autre compte:
« ...à Luc
Ghosée peincte pour avoir peinct le cheval d'osière et le tableau pour les
confrères de Ste. Christinne....C
s...”[10].
Plus tard, au conseil du 13-7-1713: « …Christophe
Antoine Crape prie MM. du Magistrat de luy faire ordonnance pour 24 livres si come 14 l . pour avoir livret les couleurs et 10 l . pour la façon pour
racomoder ledt cheval d'osier… »[11].
Des sonnettes complètent le tout, ainsi comme nous l'avons
déjà vu in supra, Jean Noyelle fournit une/des clochette(s) en 1618. On acheta
alors pour la somme de 24 sols «...une douzaine de sonnettes de cuivre
apchetée à ung savoyar, payez pour
servir au cheval d'ossier… »[12].
En 1630-1631, Ursmer Noiart livre 12 sonnettes à 6 sols
tournois chacune soit 72 sols. Y seront ajoutées cinq sonnettes au même prix,
soit 30 sols[13].
Les cavaliers reçoivent en plus de leurs émoluments des
souliers, tel qu'il apparaît au compte de 1597-1598: « …à Martin Logenghe luy a esté payet pour une
paire de sollier... ».
En 1630-1631 le porteur reçoit deux paires de souliers et
une « casaque » sans préciser en quoi elle consiste[14].
LES
TITULAIRES
MARTIN
LOGHENGE 1597-1598
Comme il est dit plus haut, il reçut une paire de souliers
pour sa prestation. Il fournit alors de la toile pour réparer le cheval d'osier[15].
NICOLAS
LESCAILLIER 1619
Au conseil du Magistrat du 20 juin 1619 :
« …Nicolas Lescaillier, alias le Sot , at requis
pour sa vielesse de luy volloir pourveoir d'ung cheval quy ne mange avaine pour
la procession. ung cheval d'osier. Fiat... »[16].
« .. Nicolas Lescaillier a requis à Messieurs
qu'il leur plaise luy accorder quelque honeste récompense pour la peine qu'il a
enduré à chevaucher son cheval d'osier durant l'octave et le jour mesme de la
procession… Accordé.. C.s. à prendre sur la massardrie »[17].
JACQUES
DE SAINT-POL 1623-1624
Le conseil du 20-7-1623, renseigne :
« ...Accordé aussy à Jacques de Saint-Pol la somme
de XL s. pour avoir esté les jours de la dédicasse et sollemnité des Recollectes
à la procession avecq le cheval d'osières… »[18].
« ..A Jacques St.-Paul pour avoir esté à la
procession avecq le cheval d'oizière payez...XL s... »[19].
L’audience du conseil du 11 juillet 1624 révèle :
« ...Jacques St. Paul aiant gouverné le cheval
d'ozières durante la procession et aultres jours postérieurs requiert quelque
honeste mercede. Accordé...XLs. »[20].
« .. .A jacques de Saint-Paul pour avoir esté à la
procession avecq son cheval d'osières pour servir de récréation. A esté donné..XL
s. »[21].
NICOLAS
GAILLEZ 1624-1625
« …A jacques St.Pol, pour avoir peint ung nouveau
tableau pour les sermentez et racommodé le cheval d'ozier qui portoit Nicolas
Galliet à la procession. At esté payez...L s.»[22].
NICOLAS
LESCAILLIER ET JEAN DE REUSME
1630-1634
Au conseil du 13-6-1630, on lit :
« …Nicolas Lescaillier gouvernant le cheval
d'osière requiert un habit nouveau pour la procession prochaine. Fiat…»[23].
De même à l’audience du conseil du 11-7-1630 :
« ...Nicolas Lescaillier aiant gouverné le cheval
d'osierre et Jean de Reusme le pareil. Accordé à chacun... XL s. »[24].
Le conseil du 26-6-1631, signale :
« …Nicolas Lescaillier requiert qu'il pleu à
Messieurs racoustrer son cheval d'osier pour la procession de Binch…»[25].
Le conseil du 13-7 1634, indique :
« …Nicolas Lescaillier et Jean de Reusme
requierent qu'il pleut à Messieurs leur donner quelque honeste récompense pour
leur travail à la procession. Accordé à chacun..XL.s. »[26]
DENIS
LEDOUX 1673-1674
Le
conseil du 3-8-1673, expose :
« …Denis
Ledoulx demande ordonnance d'un patagon pour avoir conduit le cheval d'ozières
pendant la carmesse dernière. Fiat ordonnance. »
On retrouve le même texte au conseil du 8 novembre1674[27].
JOSEPH
SAUVENIERE 1738-1765
Le conseil du Magistrat du 26-6-1783, Joseph Sauvenière
demande «…de porter le cheval d'ozière à cause que celuy qui le portoit
n'est plus propre ny en état.
Conclud de luy accorder en gage ordinaire et d'en faire
un neuf… »[28].
Il s'en sert et le fait réparer en 1765 (voir supra).
NICOLAS
COLIN 1783
L ‘audience du conseil du 5-5-1783, révèle que le
titulaire est décédé :
« ...Se représente que Charles Varlette demande la
place du cheval d'osier vacante par la mort de N. Colin »[29].
CHARLES
BOURGEOIS 1783
Au conseil du 12-6-1783, Nicolas Colin est remplacé :
« ...Charles Bourgeois se présente à ce bureau
pour avoir la permission d'exercer la place du cheval d'osier.
Conclu
de la lui accorder parmi la rétribution ordinaire. »[30].
Cette
joyeuse coutume, qui dura plusieurs siècles, prit fin avec la tourmente
révolutionnaire.
Chin-Chin lors de la ducasse de Mons
[1] A.V.B.00.01.00.32. Massarderie. Comptes années
1597-1598.
[3] R.MEURANT, Diables, hommes sauvages et chevaux jupons à la ducasse
d'Ath, citant le témoignage d'un contemporain du 19e siècle.
[4] A.S.A.B.T, t.7,
1940, p. 60.
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