LES TEINTURERIES ET
BLANCHISSERIES BINCHOISES
Alain GRAUX
La teinturerie ne fut jamais importante dans la
ville. On signale çà et là quelques mentions de teinturiers liés au
développement de la draperie.
Le recensement de l’an IV (1795) renseigne
trois manufacturiers (probablement des teinturiers), trois blanchisseurs de
toiles et deux lavandières[1].
La blanchisserie de toiles n’est apparue que
très tardivement dans les industries binchoises, probablement avec l’essor des
savonneries. Les archives sont très souvent discrètes sur cette activité, nous
ne pouvons retirer que de faibles traces dans des documents épars et
lacunaires.
On sait qu’en 1817 les blanchisseries de Binche s’étendaient sur 1ha 69a 50ca[2].
Du cours. Elles sont situées le long de la rivière la Samme : au faubourgs
Saint-paul, Saint-Jacques et de Million. A Battignies, rue des Pastures.
Vers 1830, une teinturerie est signalée et le
recensement de 1848 en renseigne deux ainsi que deux blanchisseries de toiles[3].
L’Almanach du commerce renseigne en 1857 et
1861 deux blanchisseuses : la veuve dessart et la veuve Huart. En 1867,
1868 et 1870 : A. Maréchal et B. Stalon.
En 1873 : Marlier N. et Havelette L.[4]
En 1867 le plan et matrice Popp renseigne les
blanchisseries comme étant de la classe 1, évaluées 114 F . par hectare. Elles
s’étendent alors à Binche sur 1ha 87a 2ca. Leur superficie n’a que très peu
changé par rapport au début du siècle.
La blanchisserie de Battignies s’étand alors
sur 72a 70ca.
En 1896 on compte sept blanchisseries de linge
(ateliers de lessivage, lessivage et repassage, blanchissage à neuf) employant
4 hommes et 6 femmes et qui occupent 5 ouvrières[5].
Le métier de blanchisseur évolua très
rapidement après 1914 grâce aux progrès de la technique dus à l’invention de
machines à laver le linge. Progressivement celles-ci passeront de la traction
manuelle à la traction électrique. Il ne sera plus nécessaire d’étendre le
linge sur des curoirs. Tout le travail se fera dans des boutiques de
teinturiers blanchisseurs.
En 1964 l’usine « Servibel »
installée sur l’ancien site de la verrerie s’occupera du nettoyage des
vêtements de travail pour les usines de Binche et des environs.
Actuellement il n’y a plus que des petites
teintureries-blanchisseries dans la ville.
LA BLANCHISSERIE DU
FAUBOURG SAINT-PAUL
Tous les vieux Binchois connaissent l’endroit
nommé « el Blanchirie », il est cadastré A. 1a.
Sous le Régime français le recensement de l’an
IV (1795)[6]
renseigne les blanchisseurs Huart-Pêtre[7],
ayant alors 64 et 62 ans
On connaît les nombreux litiges
entre le brasseur André Pourbaix et la veuve Ursmer Huart :
En 1848, lors d’une enquête
commodo-incommodo concernant l’installation d’une machine à vapeur, cette
dernière s’opposa vivement à cette initiative. Elle craignait qu’en temps de
sécheresse, les eaux de la rivière la Samme dont elle se servait pour les
besoins de son établissement, ne deviennent
insuffisantes suite à l’usage que pourrait en faire André Pourbaix pour
l’alimentation de sa chaudière et que les retombées de la cheminée ne ternissent les linges étendus sur le
curoir[10].
Vers 1867, la blanchisserie
appartenait à Isidore Dervergnies, greffier du tribunal, et à sa sœur Elise
Devergnies, négociante. La prairie a une étendue de 55a 72ca.
Une carte postale de 1900 nous
montre la blanchisserie et une partie du « curwa
Le 11 mai 1932, Louis Houssière[11] est cité blanchisseur et maçon au faubourg Saint-Paul
A
l’avant plan, la blanchisserie du faubourg Saint-Paul
LA BLANCHISSERIE DU
FAUBOURG SAINT-JACQUES
Cette blanchisserie se situait au lieu-dit
« Pad’sous l’ville », le long du chemin des Boulevards.
Le recensement de 1795 nous fait connaître les
noms des blanchisseurs : Ursmer-Joseph Carlier[12],
25 ans, arrivé à Binche en 1794, et son épouse Philippine Cambier Leur fils
Nicolas Carlier[13] continua l’activité avec
son épouse[14].
Cette blanchisserie appartenait à Ursmer
Massard (1813-1853), propriétaire, bourgmestre de Battignies, et à son épouse
Stéphanie-Emérante Lecocq.
Le 20 mai 1870, cette dernière, veuve Massard,
loue par bail de 3/6/9 ans à partir du 1er juin 1870, à Emile
Havelette, corroyeur, et à son épouse Caroline Dessart, blanchisseuse :
« Une blanchisserie sise à Binche de 83a
34ca avec jardins et fossés, cadastré A. 241, 242, 243, 244, au prix de 860 Fr.
l’an[15].
La blanchisserie appartient ensuite à sa fille,
Delphine Massard et à son époux Victor Pennart. Bien que celui-ci soit qualifié
de blanchisseur dans un acte de 1890, il n’en est que propriétaire car en fait
il est maître de carrière à Feluy, bourgmestre de ce village de 1863 à 1866,
Représentant de l’arrondissement de Soignies
de 1877 à 1884, administrateur de la sucrerie de Feluy et administrateur
du Comptoir d’escompte de La Louvière jusqu’à sa mort survenue le 25 avril 1903[16].
Le 1er décembre 1893, les époux
Pennart-Massard exigent par l’exploit de l’huissier Florent Gaillard, qu’Arthur
Sebille, propriétaire du moulin Saint-Jacques, remette en état le « faux rieu »
de la rivière la Samme, car une servitude d’eau existait depuis toujours et le
mauvais entretien des lieux bouchait le ruisseau entravant le bon
fonctionnement de la blanchisserie.
La Ville de Binche racheta ce bief, mais ne
résolut pas le problème de stagnation des eaux[17].
Jouxtant la blanchisserie massard, une autre
parcelle servant de blanchisserie appartenait à Louis Legendre-Ghislain,
propriétaire. Ce curoir était cadastré A. 233, il s’étendait sur 45a 30ca.
BLANCHISSERIE DU
FAUBOURG DE MILLION
Cette blanchisserie était située à proximité de
la route de Mons et longeant la rivière la Samme, lieu-dit « rivière à
k’vaux » derrière l’ancienne tannerie Coppée.
Le recensement de 1795 renseigne Antoine
Goffaux, blanchisseur de 68 ans.
Le curoir est cadastré A. 2601.
De 1864 à 1870 ; les almanachs du commerce
renseignent que la blanchisserie appartenait à Albert Maréchal, blanchisseur.
Vers 1900, c’est la famille Liem qui en est
propriétaire. Les cartes postales de cette époque nous montrent qu’on étendait
le linge sur les berges du bief Tiberghien
En 1914, le blanchisseur Gustave Fleurus[18]
tenait cette blanchisserie
LA BLANCHISSERIE DE LA RUE DES PASTURES
La
blanchisserie sise à Battignies rue des Pastures est cadastrée A.170, 171, 173.
Elle s’étend sur 72a 70ca[19].
Cette blanchisserie dut subir les inondations
en 1816 et en 1839 « la fonte des neiges de l’hiver dernier et pendant les
pluies, cette rivière (la Samme) sortit de son lit par deux fois et inonda une
partie des campagnes, quelques prairies, et spécialement la blanchisserie de Battignies occupée par le
Sr Adrien Delhalle. Les caves de la maison de celui-ci furent les deux fois
remplies d’eau, chose qui n’avait pas eu lieu en 1816 »[20].
Le 19 juin 1823, N. Navir vendit cette
blanchisserie par acte passé devant le notaire Sebille, à Fidèle-Amand
Pourbaix, brasseur à Binche et à son épouse Marie-Philippe Bury.
Lors du partage effectué le 24 avril 1851, par les
héritiers Pourbaix, ils revendirent la blanchisserie à Ursmer Massard,
bourgmestre de Battignies. Elle est alors occupée par Henri Legendre[21].
Le plan et matrice Popp de Battignies, la
citent appartenant à la veuve Massard et enfants.
En 1914, le blanchisseur locataire était
Maximilien Choquet-Carlier[22]
Le 6 février
1920, le propriétaire, Max Pennart, demeurant à Ixelles, loue à Adolphe
Sebille, colporteur à Binche, la propriété dite la « Blanchisserie de
Battignies » section A. 171a et 173, d’une étendue de 53 ares, pour 11.000
Fr. l’an.[23].
LES BLANCHISSERIES
INDUSTRIELLES
COLLING
Le 26 février 1918, Albert Colling demande
l’autorisation d’établir à Binche, 6 rue d’Hurtebise, un atelier de
blanchisseur, dégraisseur, avec dépôt de naphte de 100 litres . La demande
fut acceptée.
Le 13 décembre 1926, l’atelier Colling demande
l’autorisation d’installer un moteur électrique d’1 ½ HP dans ses ateliers.
SECRET
Albert Secret[24],
teinturier, demande le 26 novembre 1926, l’autorisation d’installer, 27 rue de
Mons, un atelier de teinturerie et un atelier de dégraissage comprenant une
douche à feu nu et une essoreuse à la main[25].
Il y fut autorisé le 23 avril 1927.
Le 1er novembre 1927, il sollicite
l’autorisation d’établir une chaudière à vapeur ayant 5m² de surface de chauffe[26].
En août 1929, il est autorisé à installer un
moteur électrique de 3 CV dans son atelier[27]
Il déclare employer en 1949, 24 ouvriers[28].
Son fils Henri-Gustave[29]
lui succèda.
En 1955, Jean Wuidart, confectionneur, 12 rue
Neuve, porte plainte contre les établissements secret, car les fines cendrées
provenant de cette usine l’incommodent dans l’exercice de sa profession. Henri
Secret déclare qu’il va remonter la cheminée de son usine mais que le charbon
qu’il brûle est conforme aux prescriptions établies lors de l’enquête
commodo-incommodo[30].
SERVIBEL
La société anonyme « Société belge de
service aux entreprises industrielles » en abrégé « Servibel »
fut créée devant le notaire Lejeune le 3
juin 1964. Elle a pour buts la vente, le nettoyage et la location de vêtements
industriels.
Son capital social est de 500.000 Fr.
Ses administrateurs sont :
- Henri Van Hoey, représentant de commerce à
Mechelen, président du conseil
- Le comte Fernand de Villegas, industriel, de
Jette
- Gustave Jacobs, industriel, d’Elewijt
- Paul Ardouille, négociant à Mechelen
- Marcel Lejeune, notaire honoraire, de
Woluwé-Saint-Lambert
- Georges Tordoir, ingénieur chimiste, de
Mont-Sainte-Geneviève, directeur
- André Huberland, licencié en sciences
commerciales, de Rijmenam[31]
Le 2 octobre 1964, Georges Tordoir demande
l’autorisation de pouvoir établir une blanchisserie industrielle, 2 rue de la
Samme. La Députation permanente du Hainaut autorisa cet établissement le 9
avril 1965.
L’entreprise située dans le zoning
« Samme-Prisches » (ancienne verrerie) a été financée par
l’intercommunale IDEA à concurrence de 5 millions garantis par la Ville de
Binche.
L’usine comprenait lors de son
établissement :
- quatre machines à nettoyer au solvant chloré,
mues par 17 moteurs électriques d’une puissance totale de 69,5 CV.
- une machine lessiveuse-essoreuse à l’eau,
actionnée par deux moteurs électriques de 1 ½ CV et 5 CV
- un récupérateur de solvant actionné par un
moteur électrique de 4,25 CV
- deux compresseurs d’air mus par des moteurs
de 5,5 KW
- différentes pompes
- un dépôt de 10.000 litres de
tri-perchoréthylène en réservoir enfoui
- divers dépôts de fuel
- une chaudière haute pression de 12 kg et 30my de surface de
chauffe[32].
Le 19 avril 1971, la S.A. Servibel adresse au
gouverneur du Hainaut une demande afin d’installer une chaudière H.P. timbrée
12kg./cm et 50m² de surface de chauffe. Lors de l’enquête commodo-incommodo,
les habitants de la rue de la Samme s’opposèrent à cette instllation car ils se
plaignirent des retombées d’eau sur leurs façades, d’odeurs intempestives de
chlore et de mazout, ils craignaient une augmentation de ces inconvénients.
Néanmoins l’installation de cette chaudière fut
autorisée le 31 août 1971[33].
On nettoyait dans l’établissement les vêtements
de travail des usines des environs jusqu’en 1977.
La société fut achetée par la firme anglaise
Stetchley.
MEWA-SERVIBEL
En 1978, l’usine fut absorbée par la firme
allemande MEWA, fondée en 1908. Cette firme de location et vente de vêtements
de travail (entretien et réparation), de tapis anti-poussières, de
tapis-brosses, etc.
C’est sous la dénomination Mewa-Servibel que
l’usine de Binche assure la mise à disposition, le ramassage et l’entretien de
vêtements de travail pour les usines métalliques, mécaniques, bureaux
techniques ou services administratifs.
60 personnes étaient employées dans l’usine en
1987[34]
Les locaux situés près de la gare étaient devenus trop
exigus. En 2003, le groupe allemand Mewa fit construire un nouveau site de
quelque 8.000 m²
pour sa filiale Servibel sur le zoning de Bray-Péronnes à Binche. La première
pierre du nouveau bâtiment a été posée le 14 juin 2003. Il s'agit d'un
investissement de 15,3 millions d'euros, avec à la clé 230 emplois. Cet
investissement a été rendu possible grâce aux aides de l'Objectif 1 Hainaut. La
Région wallonne a elle-même a débloqué en novembre dernier une aide financière
correspondant à 25,55% du montant global pour permettre l'extension de Mewa
Servibel à Bray-Péronnes[35].
[4] H. TARLIER, Almanach
du commerce et de l’industrie, 1857, p.45 ; 1861, p.64 ; 1867, p.
87 ; 1858, p. 86, 1870, p.101 et 1873, p.103.
[7] Huart Jean-Antoine-Joseph dit Antoine, ° Binche
16-7-1732, y † 17 pluviôse an XIII (6-2-1805), x Pêtre Marie-Françoise,
blanchisseuse, ° Ecaussinnes-Saint-Remi 1733, † 2-6-1808, blanchisseuse de
toiles
[8] Huart André-Joseph, ° Binche 4-2-1764, blanchisseur
(1799), marchand mercier. X Binche 10 thermidor an VIII (29-7-1800),
Despature Amélie, ° Binche 11-8-1774.
[9] Huart Ursmer-Joseph, ° Binche 21-10-1771, y †
3-7-1856, marchand blanchisseur, propriétaire, X Binche 9 prairial an VI
(28-5-1798), Debaise Marie-Thérèse Françoise-Joseph, ° Binche 26-5-1774,
couturière,
[11] Houssière Louis, ° Binche 27-3-1869, x Binche 2-6-1895, Derave
Marie-Louise, ° Binche 21-2-1873, cordonnière
[12] Carlier Ursmer-Joseph, ° Waudrez 10-12-1773, blanchisseur, ménager, X Binche 17-2-1795,
Cambier Marie-Philippine
[13] Carlier Nicolas, ° Binche 27-9-1832, x Binche
20-1-1875, Lebrun Joséphine, ° 1839env., repasseuse.
[18] Fleurus Gustave, ° Binche 12-7-1861, x Binche
12-1-1880, Louise Choquet, ° Binche
18-2-1860, repasseuse, fille de Maximilien, blanchisseur de la rue des Pastures
[20] A.V.B. 01-10-03-4. Lettre du bourgmestre de
Battignies, Ursmer Massard au gouverneur du Hainaut, datée du 13 avril 1839.
Voir A. GRAUX, Binche et
l’industrie du cuir, dans les Cahiers Binchois, n° 11, 1993, p.19.
[22]
Choquet Maximilien, ° Binche
1-10-1833, x Binche 22-9-1859, Carlier Désirée, ° Binche 21-11-1838, y †, blanchisseuse, repasseuse
[34] M. LORGE, Enquêtes sur l’histoire économique du
Centre. Exploitation des renseignements et matériaux récoltés au cours des
enquêtes menées par le Musée de
Mariemont en 1942 et 1987, I.P.S.M.A., Marcinelle, 1987.
[35] Entreprises
Mewa-Servibel à Binche, 230 emplois prévus, article paru dans « La Dernière
Heure », 15-6-2003.
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