PETITE HISTOIRE DE L’ECLAIRAGE
PUBLIC A BINCHE
Alain GRAUX
Jusqu'au XIXe siècle, l'éclairage des rues
était presque inexistant.
Au XVIe siècle, on employait, dans certaines villes,
les « pots à poix », marmites en fonte dans lesquelles brûlait un
corps gras. Au siècle suivant, cet éclairage primitif fut remplacé par les
lanternes à chandelles.
L'éclairage Au gAz
L'éclairage au gaz devait apporter une amélioration
sensible.
Dès la fin du XVIIIe siècle, on savait que la
houille, soumise dans un vase fermé à l'action du calorique, laisse dégager un
gaz susceptible de s'enflammer. Un professeur de l'Université de Louvain,
Jean-Pierre Minckeleers, se servant d'un canon de fusil comme appareil de
distillation, obtenait, en 1784, du gaz de houille qu'il utilisait pour l'éclairage
de son laboratoire.
En 1796, l 'ingénieur français Philippe Lebon
construisait une lampe pour la fabrication du gaz par la distillation du bois.
Mais, le premier à exploiter pratiquement le gaz comme mode d'éclairage fut
l'Anglais Murdoch. En 1792, son habitation était éclairée au gaz et, en 1807,
le premier réverbère s'allumait dans les rues de Londres.
François- Hyppolyte Wilmart, de Binche,
formulait une demande Le 20 septembre 1836 afin d’établir une usine au gaz pour
l'éclairage de la ville de Binche, la ville Lui en accorda la concession mais l'usine
devra se situer en dehors des murs de la ville[1].
L'usine,
s'installa à Battignies, rue de Péronnes, sur une terre lui appartenant,
mesurant 1ha 56 a 80 ca, tenant au
chemin de Péronnes, au chemin de dessous la ville et aux sieurs Thibaut et
Ottelet[2].
L’autorisation fut obtenue le 16-5-1837.
Le gaz à
hydrogène ne fut pas satisfaisant. Charles-Félix Hiroux, propriétaire à
Mons, demanda l’autorisation d’établir dans les bâtiments du moulin à vapeur de
Fidèle Pourbaix, les appareils pour la production du gaz hydrogène carboné
nécessaire à l’éclairage de la ville de Binche.
L’enquête commodo-incommodo eut
lieu le 14-3-1842. Il fut autorisé d’établir son usine par le conseil communal
de Battignies le 15-4-1842. L’autorisation stipule qu’il ne pourra être jeté
aucun résidu ou eaux provenant de la fabrication ou épuration du gaz, sur la
voie publique[3]
Parallèlement à son activité dans l'industrie meunière,
Augustin Lengrand dirigeait une usine de production de gaz qui jouxtait son
moulin, rue de Péronnes. Il est le successeur de François Wilmart.
Le 11-4-1861, Eusèbe Augustin Lengrand est cité directeur,
concessionnaire de l'éclairage au gaz de la ville de Binche[6].
Eusèbe Lengrand décéda en 1862, sa mère Julie
Willot, vend l’usine le 9 août 1862, à Charles Desmoulin, constructeur de
gazomètre à Valenciennes et à François Coyette, pour le prix de 100.000 Fr. Suite
au décès de ce dernier, Charles Desmoulin rachète le 6-12-1870, la moitié
indivise de l’usine à la
veuve Coyette , au prix de 40.000 Fr.
L’usine est décrite comme ceci :
a) Une usine à gaz comprenant maison
d’habitation et autres dépendances faisant 25a 83ca, sis à Battignies, Champ de
la Justice, section A du cadastre parcelles 122g, 122h, 122k, tenant au chemin
de Péronnes, à la veuve Louis
Tiberghien et aux héritiers Outelet-Paris.
b) Un gazomètre ou cloche en tôle avec
sa suspension, quatre épurateurs avec grilles, un tambour, deux laveurs, des
barillets, trompettes et tuyaux monteurs, chapeaux de cornes, châssis de
fourneaux, hui cornues réfractaires et tuyaux de distribution.
De septembre 1870 à mai 1871, 84.350 heures
d’éclairage pour une dépense par la Ville de Binche de 2.530 Fr.50 cts est
annoncée.
Le 1er mars 1871, Charles Desmoulin
revend l’usine et la concession qu’il
devait encore exploiter en principe pour 23 ans, pour la somme de 100.000 Fr. à
la ville de Binche, représentée par le bourgmestre Gustave Wanderpepen et les
échevins Adrien Leclercq et Philippe Derbaix.
En passant l’acte la Ville paie 18.000 Fr. en
argent et 24.000 Fr. en obligations de la Ville de Binche. Le 7 juillet suivant
9.000 Fr. en argent et 9.000 Fr en obligations et le 21-11-1871, 5.000
Fr ; furent payés à Mme Coyette à valoir sur l’inscription hypothécaire de
40.000 Fr. que cette dame avait prise sur l’usine contre C. Desmoulin. Le reste
fut payé par tranches jusqu’en 1878.
En mai 1871, une convention fut passée entre
Paul Fontaine, industriel à Haine-Saint-Paul et le Collège échevinal pour le
renouvellement des conduites de gaz dans la ville. Les travaux
commencèrent le 5 avril 1871.
Dès la reprise de l’éclairage au gaz par la
Ville, celle-ci engrangea un bénéfice de 10% du capital de 150.000 Fr. engagé
dans cette affaire.
L’usine distribuait le gaz à 300 abonnés
consommateurs privés.
En 1876, la ville décide la construction d’une
nouvelle cloche, le projet prévoit pour ses dimensions 7m de hauteur et 14m de
diamètre pour une contenance de 1070m³. Lors des travaux de terrassement le
terrain s’avérant trop spongieux, on dut modifier les travaux, et la cloche
définitive mesura alors 6m de hauteur et 15m de diamètre pour une même
contenance.
La S.A. « Chaudronneries de
Houdeng-Goegnies » obtint la construction du gazomètre.
Le nouveau gazomètre fut inauguré le 31 janvier
1877[7].
Un banquet fut donné à cette occasion.
Les réverbères étaient, au début, équipés du
bec « papillon », à flamme nue.
En 1891, la ville était éclairée par 198
réverbères à partir du soir tombant jusque 10 h30, et par 63 réverbères le
reste de la nuit. La
dépense pour cet éclairage était de 12.141 Fr. et le bénéfice 11.360 Fr.
La progression de réverbères est très lente, en
1900 il y avait 218 réverbères allumant jusque 10h30 et 89 réverbères le reste
de la nuit et en 1910, 292 réverbères allumant jusque 10h et 137 réverbères
allumant le reste de la nuit.
La « Société d’éclairage du Centre »,
racheta l’usine et la concession de l’éclairage public en vertu de l’arrêté
royal du 11-6-1896, pour la somme de 100.000 Fr. considérée comme avantageuse.
Cette société ayant son siège 22 rue des Palais à
Bruxelles, possède de nombreuses usines à gaz dans tout le pays.
La direction de La Louvière comprend les usines de Binche,
La Louvière, Fontaine-l'Evêque, Enghien et Grammont.
Le recensement du 31-10-1896 renseigne que l'usine emploie
y compris avec ses services extérieurs 2 cadres et 34 ouvriers. En 1897, la
société demande de pouvoir établir un gazomètre de 16,300 m . de diamètre sur 18 m . de hauteur, dans son
usine de la rue de Péronnes cadastrée D. 120v. Cette autorisation fut obtenue après
enquête commodo-incommodo, le 25-5-1897[8].
Des travaux sont alors entrepris :
Amélioration et agrandissement de l’usine et
des installations pour la somme de 100.000 Fr.
Mise en état et renforcement des canalisations,
pour 200.000 Fr. et chez les abonnés pour 100.000 Fr. de plus 30.000 Fr. ont
été nécessaires pour des installations aux frais de l’usine et des
installations de location. Il faut ajouter à ces immobilisations le fonds de
roulement, marchandises en magasin, etc. la somme de 35.000 Fr.
L’usine de gaz a donc nécessité pour sa reprise
et sa remise en état un capital de 465.000 Fr.
Le 16-10-1903, elle sollicite l'autorisation d'établir une
chaudière à vapeur dans l'usine de la rue de Péronnes. Cette chaudière
horizontale a un foyer intérieur avec deux tubes bouilleurs, un diamètre d'1,75 m ., la surface de
chauffe est de 22 m² ,
elle est de 5 atmosphères et est munie de deux soupapes, d'un manomètre, d'un
sifflet d'alarme.
Il y avait en 1906, 735 abonnés, les
installations des anciens abonnés étaient défectueuses ou insuffisantes, elles
ont été en majeure partie entièrement renouvelées. L’éclairage public est doté
du bec Auer, l’améliorant considérablement et coûtant la moitié de l’éclairage
fourni par l’usine communale.
En 1910, indépendamment des tractations prises
par la Ville pour installer l’éclairage électrique, les édiles communaux
constatent que l’exploitation du gazomètre en régie avait donné des résultatsdéfavorables et qu’il était du devoir du
Conseil communal d’y mettre fin. L’éclairage public coûte alors 8.726 Fr par an
à la Ville, c’est le double de ce que coûte l’éclairage public depuis la
cession de l’usine, l’éclairage est alors étendu à toutes les soirées
Dans les maisons particulières l’usage du gaz ne
se répandit que petit à petit. La Plupart de nos artisans travaillant à
domicile employaient encore la lampe à pétrole; devant celle-ci, ils plaçaient une
carafe sphérique remplie d'eau de source. Notre savoureux langage donnait le
nom de « lampe à scrèner » à cet éclairage renforcé.
L’ECLAIRAGE ELECTRIQUE et AU GAZ SE FONT CONCURRENCE
En 1895, Fernand Levie, conseiller communal qui
produisait le courant électrique dans sa fabrique de chocolat, rue de fontaine,
offrit à la ville de conduire un éclairage électrique, au parc à l’occasion des
fêtes communales, au moyen de lampes à arc, ce fut un événement.
La « Société d’éclairage du Centre »,
est devenue concessionnaire de l’éclairage public en vertu de l’arrêté royal du
11-6-1896, les débuts furent lents, car
le prix était élevé et les « manchons » de gaz n’étaient pas détrônés
La « Société d’éclairage du
Centre » cède en 1910, sa concession à la « S.A. de gaz et
d’électricité du Hainaut », cette société a des installations proches de
Binche, à Bascoup, et conclut donc un contrat intéressant.
Cette cession a permis à la Ville d’entrer en
négociations pour que la ville bénéficie de l’éclairage électrique à Binche,
qui tout en transformant l’éclairage public, puisse aussi mettre à la
disposition des artisans de la ville la force motrice à domicile au prix de 50
centimes par kw/h pour l’éclairage privé.
Le 1er
janvier 1911, un éclairage électrique permanent renforçant l’éclairage par le
gaz, qui continue à subsister, fut installé dans les principales artères de la
ville on installa des canalisations dans toutes les rues, quatre cabines de
transformation, trente lampes à arc dans les rues principales.
La société anonyme "Société de gaz et d'électricité
du Hainaut" ayant son siège 33 rue du Congrès à Bruxelles possède des
usines à Audenarde, Binche, La Louvière, Fontaine-l'Evêque, Grammont et
Montignies-sur-Sambre.
Le 3-11-1916, le directeur demande à l'administration
communale de Binche de pouvoir installer dans l'usine de Binche, une deuxième
chaudière à vapeur horizontale de 1
m . de diamètre sur 3,2 m . de long et aux parois de 10 mm d'épaisseur. La
pression maximum est de 5 atmosphères. La surface de chauffe est de 6 m² . Il indique que cette
chaudière a été en usage dans l'ancienne usine d’Alost qui n'existe plus et son
origine est inconnue[9].
En 1925 de nouvelles améliorations ont lieu
pour l’éclairage public, 75 lampes de 30 Watts jusque 11h du soir, et puis par
200 becs Auer.
Le 25-11-1927 la société demande le renouvellement le
renouvellement de l'autorisation d'exploiter l'usine à gaz comprenant 4 fours à
cornues, 1extracteur, des épurateurs, et deux gazomètres d'une contenance de
1.000 et 2.000 m3 .,
ainsi que d'une cabine de transformation électrique comprenant 1 transformateur
statique 2.600-220 v. d'une puissance de 155 KVA. Force motrice: machines à
vapeur. L'autorisation est accordée à la "Société de gaz et d'électricité
du Hainaut" le 24-1-1928[10].
La concession fut
étendue progressivement et, en 1935, toutes les rues de notre ville étaient
pourvues d’un puissant éclairage électrique. En 1939, le contrat intercommunal
fut mis en application avec des conditions spéciales avantageuses pour la ville. En 1946, les
réverbères au gaz étant tout à fait supprimés, on installa un éclairage réduit
pour les heures de la nuit.
- Un gazomètre à gaz de ville, d'une capacité de 2.000 m³ , un régulateur
d'émission et une vanne automatique de réception.
- Une cabine de transformation électrique avec un
transformateur de 155 KVA. - 6.000 v-220 v.
- Un préposé surveille le fonctionnement de
l'établissement et un cabinier est préposé aux manœuvres de la cabine
électrique[12].
C'est l'instauration de l'électricité qui provoqua le
déclin de l'industrie gazière, mais comme nous l'avons vu les sociétés gazières
prévirent cette évolution en adaptant progressivement leurs usines au nouveau
mode d'éclairage et de force motrice.
[2] A.V.B.02-00-01-2/3, registre des conseils communaux
de Battignies (1832-1842)
[3] A.V.B.02-00-01-2/36.
[5] A.V.B. 02-02-08-1.
[6] A.V.B. 00-00-01-13.
[8] A.V.B. 01-02-11-728.
[9] A.V.B. 01-02-11-940.
[10] A.V.B. 01-00-02-1030 et 21
[11] A.V.B. 01-02-11-34
[12] A.V.B. 01-02-11-88
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