La restauration de l’hôtel de ville de Binche en 1771
Alain GRAUX
Théophile Lejeune, dans sa monumentale Histoire
de la ville de Binche, situe la restauration de l’hôtel de ville en 1774.
D'autres documents signalent la transformation du bâtiment en 1770. Nous avons
voulu vérifier dans les archives disponibles la véracité de ces allégations et
en savoir un peu plus sur les travaux réalisés à cette époque :
Le premier document connu à ce propos est
celui-ci[1]:
« se
représente qu'on vient d'examiner la mauvaise situation de l'hôtel de ville qui
est très caduque et à la veille de s'écrouler par sa devanture et couverture.
Le bien public en
soufriroit sans ressource, si elle venoit à périr, puisque c'est le dépôt de
tous /es papiers et titres gui intéressent les habitans et qui par conséquent
feroit naître de fortes difficultez si ces titres et papiers venoient à tomber
sous les ruines et exposez à tout événement pour ne rien prétendre à soy.
L'occasion vient de se présenter par le passage en cette ville du sieur Dewez
architecte de la cour, qui a bien voulu en faire la visite depuis le bas
jusqu'en haut et a effectivement trouvé que cette maison menaçoit ruine et que
les réparations qu'on pouroit faire n'apporteront rien de solide si on ne
commençoit pas à jeter bas la couverture et devanture et la remonter avec toute
l'économie possible et à moins de fraix.
Qu'à cet effet il voudroit bien se presser et que même il en feroit un
rapport au gouvernement, qu'il croit ne faire aucune difficultez d'autoriser le
Magistrat de cette ville à faire ces ouvrages utiles et indispensables..."
Il faut se remémorer qu'à cette époque, ce qui
était considéré comme hôtel de ville était la partie supérieure du bâtiment
actuel, le bas étant réservé à la boucherie (halle des bouchers) et à la prison
(pour les incarcérations de courte durée). Lors de l'assemblée du 29 mai 1771[2],
le Magistrat de la ville décide :
"... et
pour les réparations de l'hôtel de ville qu'il s'agisoit de faire visitte
d'experts et arrêter le montant de ce que la réparation pouroit couter et de
l'envoier au gouvernement qui pouroit autoriser de le faire sur fond
d'amortissement."
Les responsables du gouvernement autorisent par
décret à pouvoir commencer les travaux comme nous l'apprend l'audience du 1g
juillet 1771[3] :
"On
vient de recevoir un arrêt du conseil des finances en datte du 6 juillet 1771
par lequel il nous autorise de pouvoir emploier la somme de dix sept cens
quarante trois livres pour la réparation de notre hôtel de ville... ». La
somme allouée n'est pas prévue pour faire des travaux de grande envergure car
elle est des plus juste, les édiles "se demandent de quelle façon on devra
s'arranger et conclut que les maîtres d'ouvrages se dirigeront avec ta plus
grande économie...".
Les travaux débutèrent aussitôt, ils sont connus
par les comptes du massard Jean-Jacques Charlier pour l'année 1771[4]
:
"Payé 1348 livres pour une
partie des dépenses faites pour ta réparation de l'hôtel de ville en conformité
de l'autorisation par décret du 6 juillet 1771, ensuitte de la visitte d'experts
commencée en juillet 1771. Pour dépaver le grenier, démolir le haut de la façade,
préparer la chaux et les hourdages et payer aux rnassons pour 12 journées de
maîtres et 15 pattars de manœuvres 451. 4s. 6d.
Pour ôter les
cartouches de la tour et réparer les vuides, 121. 6s. 6d.
Pour démonter la
façade, l'escouper et la coqque du pignon 6 ¼
j. de maître, 72 ½ de manœuvre, 149l.
0s. 9d.
Pour réparer le reste
de la tour jusqu’au toit 5 ¼ j. de
maître et 6 ¼ de manœuvres 18 1.7s. 9d.
Pour remonter la porte
d'entrée en pierre de taille 5 ½ j. de maître et 19 ¼ j. de manœuvres, 241.
0s.6d.
Payé pour 9.100
briques à 7 l .
le mil 63 1. 14s.
Payé pour 33 muids et
17 ½ de chaux, 50
l . 5s.
Payé à Charles Deneufbourg
pour voiturer 7.200 briques, 10 1. 1s. 6d.
Audit pour transport
de décombres, 20 l .
Payé à P. Puissant,
tailleur de pierre, 96 journées à 17 pattars employées selon détail 163 l . 4s.
Payé audit pour 59
muids de pierres qui manquoient pour fermer les corniches en conformité des anciennes,
147 1.
Payé pour pierres
venantes de Ch. Delmoitié 45 1.
Payé à C. Lebrun pour 1.000 litres de plâtre
de Montmartre, compris les Voitures, 33 l .8s.
Charpentes et
couvertures, fenêtres et portes du salon : payé à P. Ramboux, charpentier, 37 ½
jours de maîtres à 15 pattars et 79 d'apprentis à 6 pat. employés à hourder, étançonner
à la charpente et au befroid, 671 l . 38 s.
Total : 864 1.9s.
6d.
Payé à Georges
Godefroid et Massard pour 66 ½ de
journées de maîtres à 15 pattars et 42 ½ de manœuvres à 8 pat. employés à
démolir, à faire la couverture de l‘hôtel de ville; réparer celle du befroid,
celle du quartier de derrière et celle de la maison voisine, délabrée par ta
démolition, 133 l .
3s. 6d.
Payé à N. Caudron pour
10.200 ardoises, 1731. 8s.
Payé à A. Lebrun pour le
bois de hourdage de la charpente et la couverture, de châssis et fenêtres de
salon et à la veuve Debièvre pour cloux, fers et 22 feuilles de blanc fers pour
la garniture, 149 l .
14s.
A elle pour plomb à la
gouttière, 129 1. 0s. 6d.
Payé à P. Canivet, ferronnier,
pour ouvrages détaillés à l'état, 86 1. 6s.
Payé à Emmanuel Leheu,
vitrier, 38 l .10s.
Payé à C. Sibille pour
boissons livrées aux ouvriers, 64 l . 8s.
Total : 2.056 l . 76s. 6d.
Au cours du travail les maîtres d'ouvrages
constatent des déficiences à la base du bâtiment ; on doit donc pourvoir à des
travaux non prévus initialement :
« Les
trois arcades qui formoient les portes
de la boucherie, le corps de garde, ayant été reconnues sans fondations et la fondation
du reste en mauvais état. Ayant observé au surplus que la façade étoit hors de plomb
de 5 pouces
et de 6 en quelques endroits au coin de ta boucherie et que te poids étoit
augmenté proportionnellement à l’augmentation de la hauteur. Il a été d'une nécessité
absolue de rempiéter la muraille, de remplir le vuide des arcades en
massonnerie de façon à former un appui solide au reste du bâtiment, d'y faire
des portes ce qui conduit au changement des prisons, à un vestibule et par
conséquent les dépenses imprévues lors de la première visitte ont suivi
nécessairement I' autorisation. ».
Payé aux massons pour
19 ½ j. à 15 pat. et 25 ¼ à 14 pat. et
pour 28 ½ de manœuvres à 6 pat. et 33 ¼
à 7 pat. : 46 l . 19s.
Payé pour 14.400 briques à 7 l . le 1.000 :100 l. 16s.
Payé pour 29 muids de chaux,43 l. 10s
Payé à P. Puissant
tailleur de pierre pour 25 ½ journées à 17
pattars, 43 l .
15s.
Audit pour viglennes à
paver le vestibule et seuils, 120 l . 18s.
Payé à P. Ramboux,
charpentier pour les châssis des portes, l'escalier et les portes des prisons, 61
l . 14s. 6d.
Payé à A. Lebrun pour
bois scié, 67 l .
2s.
Payé à ...Notau pour
couleur à l'huile et le temps employé, 175 l . 18s. 6d.
Payé à ...Gallez,
cabaretier pour boissons livrées aux ouvriers, 18 l . 0s. 6d.
Récapitulation : les
ouvrages pour lesquels il n'étoit pas requis d'autorisation du gouvernement :
...la somme de 908 livres
; les ouvrages fait en conséquence d'autorisation du gouvernement, y compris la
partie pour mémoire ...1a somme de 2.090 livres 13 sols 6 deniers.
En guise de conclusion nous constatons que la
restauration de l'hôtel de ville qui est généralement présentée comme l'œuvre
de l'architecte Dewez n'est pas tout à fait de sa main. Sur un avis qu'il donna
en septembre 1770, un groupe d'experts fut désigné en mai 1771. Les travaux de
restauration de la partie haute du bâtiment et du beffroi furent entrepris sur
base de leurs constatations. Au cours de ces travaux la partie basse de l'édifice
dut être transformée à son tour donnant à l'hôtel de ville l'allure néo-classique
qu'elle connut jusqu'en 1896.
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